Yennefa.La porte se referme dans un claquement criard, similaire à un point de non-retour, étouffé par le silence de la pièce.
Ylass s'éclipse, abandonnant derrière lui les échos froids de sa chute.
Je reste un instant figée, happée par son aura silencieuse qui emplit désormais la pièce. Difficilement, j'essaie de calmer la haine que je ressens pour lui.
À chaque fois qu'il est là, même à quelques centimètres, toute l'animosité que je ressens refait surface.
Toute cette colère que j'éprouve envers moi-même. Puis, lentement, en chassant ces émotions, je me tourne vers Kaleb.
Sa silhouette est au centre, lourde et impassible, drapée dans l'ombre de son propre pouvoir.
– Que s'est-il passé ? murmuré-je, en avançant vers son bureau qui trône au centre, comme une île de commandement, béante, voire sacrée.
Kaleb s'affaisse dans son fauteuil de cuir, y enfonçant toute la gravité de son autorité. Il porte à sa bouche un cigare, le coince entre ses lèvres, et approche la flamme avec une lenteur étudiée.
L'extrémité du tabac s'embrase, crépitant sous la morsure du feu.
Une bouffée. Puis une autre.
Enfin, il lève vers moi ses yeux d'émeraude, tranchants comme des éclats de verre.
– Une trahison, Ruivina. Et tu sais combien je hais les trahisons.
Je ravale difficilement la boule qui me monte à la gorge. Je ne suis pas certaine de vouloir fouler ce territoire là, ce champ de cendres encore fumantes. Ylass a peut-être eu ce qu'il méritait, je le sais, quelque part.
Et pourtant, ce pincement au cœur me heurte, persiste. Je me racle la gorge, chasse l'émotion, la relègue au second plan.
Je ne suis pas venue ici pour trembler.
Et encore moins pour cet homme qui m'a détruite à petit feu.
– Parle-moi de cette mission, reprend-il d'un ton égal, presque détaché, comme si rien ne venait de se jouer ici.
Je croise les bras, me replie sur moi-même un court instant.
Mes pensées s'alignent, se structurent, et dans un souffle, je raconte. Les faits, les gestes, la livraison, tout y passe. Chaque détail est livré avec soin, exactitude.
Quand je me tais enfin, Kaleb ne dit rien. Ses prunelles me scrutent, inquisitrices. Je sens le poids de cette attention, comme s'il cherchait quelque chose dans mon regard.
– Tu n'as rien oublié, Ruivina ? souffle-t-il, tirant une longue bouffée de son poison lent, le regard vrillé au mien.
Mon cœur bat plus fort.
Une tension muette s'installe dans mes gestes, dans mes silences. Il le perçoit. Kaleb a appris à me connaître par cœur. Alors, il s'avance vers le bureau.
Ses deux coudes rejoignent le bois brut, et ses bras tatoués s'animent sous la lumière vacillante.
L'encre noire glisse sur sa peau telle des serpents de guerre, et son regard, lui, devient pesant. Kaleb est sévère, et je sais trop bien ce dont il est capable.
Mon cœur se serre, il me jauge.
– Est-ce que tu crains qu'il subisse d'autres coups, ou est-ce que tu le protèges ?
Le timbre de sa voix est une lame couverte de velours. Bien que nous nous apprécions mutuellement, je n'oublie jamais qui il est. Kaleb n'est pas seulement le chef.

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UNFAIRNESS
General FictionDans une ville où la forêt s'impose, des atrocités sommeillent, enterrées entre la terre et les ronces. 𝐘𝐞𝐧𝐧𝐞𝐟𝐚 𝐂𝐨𝐰𝐞𝐥𝐥, une âme tourmentée, s'efforce de fuir ses blessures. Parmi ses souvenirs douloureux, celui d'une nuit tragique : le...