Une Contredanse de Sentiment

Une hypocrisie à son paroxysme

Dans les jours qui suivirent leur conversation, le château s'anima d'une activité fébrile. Les préparatifs pour le mariage entre Aylina et Chems commencèrent sous la supervision d'intendants agités et de serviteurs débordés. Cependant, les murmures incessants de la cour n'échappaient à personne.

Dans les appartements d'Aylina

Chems se tenait près de la fenêtre, observant la vue sur les jardins royaux. Sa posture trahissait une certaine nervosité. Aylina, assise sur un fauteuil près de lui, brisait le silence.

— « Que se passe-t-il, Chems ? Tu es silencieux depuis ce matin. »

Il se tourna vers elle, le regard sérieux.

— « Ce mariage... Je veux que tu sois certaine. Être ton époux ne changera pas qui je suis, ni ce que je veux. Je suis tavernier, pas noble, et je ne compte pas renoncer à ma taverne. »

Aylina le regarda, un sourire tendre éclairant son visage.

— « Et pourquoi le ferais-tu ? C'est cette partie de toi que j'aime. Ton courage, ta simplicité, et cette taverne où tu as créé un refuge pour tant de gens. »

Chems s'approcha, s'accroupissant devant elle pour lui prendre la main.

— « Mais la cour ? Les nobles ? Ils murmurent déjà que ce mariage est une insulte. »

— « Qu'ils murmurent, » répliqua-t-elle avec défi. « Ce n'est pas eux qui décident de ma vie, ni de celle du royaume. »

Chems hocha la tête, ému mais déterminé.

— « Alors sache que, quoi qu'il arrive, je resterai ce que je suis. Même en tant qu'époux de la princesse, je retournerai parfois à la taverne. Elle est une partie de moi. »

Aylina sourit.

— « Et je t'y accompagnerai, si cela te fait plaisir. »

Ils partagèrent un rire sincère, mais l'ombre des critiques continuait de planer sur eux.

Dans les couloirs du château

Les conversations des courtisans se faisaient plus venimeuses.

— « Une princesse épouser un roturier ? Une tache sur le prestige royal ! » lançait la duchesse Orianne.

— « Sans parler de cet homme... Tavernier, avez-vous entendu ? Un métier si vulgaire pour un futur prince consort ! » renchérit un comte.

Malgré ces critiques, certains murmures étaient moins acerbes.

— « N'est-ce pas romantique, pourtant ? Une princesse qui défie les traditions pour suivre son cœur. »

— « Oui, mais à quel prix pour le royaume ? »

Le jour suivant, dans la salle de réception

Alors qu'Aylina supervisait elle-même les décorations, une femme de la cour s'approcha d'elle. C'était la duchesse Orianne, connue pour son franc-parler.

— « Votre Altesse, puis-je vous adresser un mot ? »

Aylina se redressa, ses traits calmes mais fermes.

— « Bien sûr, duchesse. »

— « Ne voyez-vous pas ce que ce mariage risque d'apporter ? Vous êtes la princesse héritière. Épouser un roturier, c'est affaiblir la couronne aux yeux des alliés et des ennemis. »

Aylina répondit sans hésiter.

— « Ce mariage est un choix de cœur, mais aussi de tête. Chems est peut-être un roturier, mais il a prouvé qu'il a plus de courage et d'honneur que bien des nobles ici présents. Si nous voulons un royaume fort, il doit être fondé sur la loyauté et la vérité, pas sur des alliances fragiles. »

La duchesse, surprise par sa détermination, ne put que s'incliner légèrement avant de se retirer.

Dans les jours suivants

Les préparatifs avançaient, et Chems continuait de se faire une place, malgré les regards méfiants. Il passait du temps avec les serviteurs, partageant histoires et rires, et même les gardes semblaient l'apprécier peu à peu.

Un soir, alors qu'il discutait avec le maître de cérémonie dans la cour, le roi Alaric les interrompit.

— « Tavernier, » dit-il, l'air sévère.

Chems s'inclina légèrement.

— « Majesté. »

Le roi l'observa un long moment, comme s'il le jaugeait une dernière fois.

— « On dit que tu refuses de quitter ta taverne. »

Chems ne baissa pas les yeux.

— « C'est vrai, Votre Majesté. Cette taverne, c'est ce que je suis. Elle m'a forgé. Je ne prétendrai jamais être autre chose que ce que je suis. Mais cela ne m'empêchera pas d'être un mari digne de votre fille. »

Le roi Alaric croisa les bras, un sourire énigmatique flottant sur ses lèvres.

— « Tu es bien audacieux. Peut-être que ma fille a eu raison, après tout. Mais sache une chose : si tu échoues, c'est à moi que tu devras rendre des comptes. »

Chems hocha la tête, un éclat de défi dans le regard.

— « Et je suis prêt à en répondre, Majesté. »

Le roi fit demi-tour, mais avant de partir, il ajouta à mi-voix :

— « Peut-être que le royaume a besoin de ce genre d'audace. »

Les critiques persistèrent, mais le jour du mariage approchait, et même les plus sceptiques de la cour commencèrent à comprendre que ce mariage marquerait une nouvelle ère.