SUPERNATURAL - One Shot

30 - Les Flammes du Passé

Le soleil du début d'après-midi baignait la petite ville d'une lumière dorée, douce, presque paisible. La chasse s'était terminée sans trop de grabuge : un revenant local, planqué dans la vieille grange d'un fermier du coin. Rien que vous n'ayez pas déjà vu mille fois. Mais cette fois, la poussière du passé s'était mêlée à celle du combat. Tu connaissais cette région. Ce bled paumé au fin fond du Dakota, tu l'avais foulé bien avant de croiser la route des Winchester. Le genre d'endroit où les rues sont vides à dix-neuf heures, où tout le monde connaît tout le monde. L'air y avait ce goût familier, un parfum de souvenirs à moitié effacés, comme une chanson oubliée qui revient soudain en tête. C'était là que ton père adoptif t'avait élevée, pendant toute ton enfance. Avec ses mains calleuses, ses sourires doux et discrets, et cet amour inconditionnel qu'il t'avait donné sans compter. Ce père qui t'avait offert un foyer, quand tu n'étais qu'une flamme perdue, errant dans un monde trop vaste. Celui qui t'avait appris à manier un fusil sans jamais éteindre ta douceur. Celui qui t'appelait mon petit miracle jusqu'à la fin.

Tu regardais maintenant défiler les paysages à travers la fenêtre de l'Impala, l'air tiède dans les cheveux, les yeux perdus dans ces champs baignés de lumière. Sam était assis à l'avant, penché sur son ordinateur portable posé sur ses genoux. Dean, fidèle à son poste, tapotait le rythme d'un vieux morceau de Led Zeppelin sur le cuir usé du volant. Le ronron du moteur, familier, presque apaisant, remplissait l'habitacle d'une présence rassurante. Tu n'avais rien dit depuis un moment. Mais Dean avait vu ton regard dans le rétroviseur, juste au moment où vous aviez dépassé le vieux panneau délavé à l'entrée de la ville. Il n'avait rien dit, bien sûr. Mais il t'avait lancé ce regard rapide, discret, celui qui te faire savoir qu'il avait compris.

«Y'a que deux trucs qui font tourner ce putain de monde : le plomb et les snacks. Et j'ai plus de chips. Donc, c'est l'apocalypse dans mon estomac.» déclara Dean, sans tourner la tête, sa voix grave et légèrement râpeuse, tranchant à travers le silence confortable qui s'était installé.
«On va s'arrêter faire le plein. Et je veux aussi des bières et un truc bien gras à grignoter. C'est la règle après une chasse.»

Sam leva les yeux de son écran.
«Tu veux pas plutôt une salade pour une fois ? Je crois que ton cholestérol vient de nous faire un doigt d'honneur.»

«C'est mon cholestérol, Sammy, pas le tien. Et il va très bien, merci.» répondit Dean, un sourire en coin naissant sur ses lèvres, les yeux toujours fixés sur la route.
«En plus, faut nourrir ces muscles d'Apollon.»

Tu ne pus t'empêcher de rire doucement, et Dean tourna aussitôt un bref regard dans le rétroviseur. Ce son - ton rire - il l'adorait. Il ne le disait pas, bien sûr. Mais c'était vrai. Ce rire sincère, rare, qu'il aimait te voler quand il le pouvait. Pour lui, c'était comme une note pure au milieu du chaos qu'était sa vie. Un éclat de lumière dans l'obscurité. Alors vous étiez partis tous les trois, direction un petit supermarché éclairé au néon, à une dizaine de kilomètres de votre prochain motel. Rien de spécial. Mais dans le silence tranquille de cette fin d'après-midi, avec ce rire encore dans l'air, c'était presque parfait.

L'intérieur du magasin était imprégné de cette odeur particulière : celle du plastique chaud, des vieux journaux et des chewing-gums à la fraise. Les néons zébraient le plafond d'une lumière crue, presque fatiguée. L'enseigne n'était pas grande, mais les rayons étaient pleins, l'air chargé de cette senteur familière des sols constamment lavés.

Dean, avec l'enthousiasme d'un gosse à Disneyland, dégaina un caddie. Il fila directement vers le rayon des snacks, comme un enfant dans une fête foraine, marchant devant toi avec l'énergie d'un commandant de bord en mission. Il enchaîna les paquets qu'il balança dans le chariot sans même jeter un regard aux saveurs.