Chapitre 52

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Giulia,
décembre 2022

Je bois tranquillement mon café sur ma terrasse, face au soleil, lorsque j'entends toquer à ma porte.

Je fronce les sourcils. Si c'est encore Paul-André, je vais devoir être plus claire. Je pose ma tasse et soupire avant d'aller ouvrir.

Mais lorsque j'ouvre la porte, je ne tombe pas sur mon ex, mais sur Mathieu. Il sourit tandis que je me fige. Il m'a envoyé un message il y a dix minutes pour me dire qu'il venait de se réveiller. Quel stratège.

- J'pouvais plus attendre, en fait.

Je souris avant de passer mes bras autour de sa taille pour le serrer contre moi.

- J'avais trop besoin de te voir, là je chuchote.

Il me serre fort contre lui et on finit par se lâcher pour qu'il entre chez moi. Il attrape ma main et s'affale dans le canapé.

- Ça va ?

J'hoche la tête en caressant son bras. Ça me fait trop de bien de pouvoir le toucher.

- T'sais, j'ai réfléchi... ça m'a fait cogiter c'qui a eu hier soir J'ai pris une décision.

Je relève les yeux vers lui. Il me fait peur.

- Ma mère m'a donné un terrain y'a quelques années, pour que j'puisse construire ma maison. J'me suis toujours dit que j'le ferai plus tard, quand j'aurai des enfants, mais en fait j'vais l'faire maintenant.

J'hausse les sourcils, surprise. Il m'avait déjà parlé de ce terrain, mais je savais qu'il avait d'autres priorités.

- J'vais faire les plans avec l'archi, comme ça on commence les travaux et d'ici l'année prochaine j'aurai ma maison ici.

Je souris, même si je suis pas sûre de ce que ça signifie. J'imagine mal Mathieu quitter Paris.

- Si j'peux pas quitter Paris, c'est pas à cause du travail. J'peux bosser d'où j'veux, j'peux même aller vivre au Japon si j'ai envie. D'ici, j'suis à deux heures de Paname, j'aurai qu'à prendre l'avion quand j'aurai besoin. Et puis y'a pire comme endroit, franchement...

Il caresse ma cuisse et détourne le regard avant de reprendre :

- En fait ce qui me retient là-bas, c'est ma grand-mère. J'suis trop proche d'elle, j'peux pas m'éloigner. J'ai peur qu'il lui arrive un truc et de pas être là, je m'en voudrais toute ma vie de pas avoir assez profiter. Je sais qu'elle va partir un jour, j'suis pas bête, et j'veux profiter jusqu'à la fin, tu vois ?

J'hoche la tête.

- Du coup.. j'me suis dit. Toi, tu veux faire ta vie ici, construire ta famille, et bon.. si Dieu veut, on va la construire ensemble.

Je souris. On a jamais parlé de famille alors forcément, ça me fait plaisir qu'il me dise ça.

- Et moi j'veux être à Paname tant que y'a ma grand-mère, mais quand elle y sera plus, je suis prêt à venir ici si c'est ce que tu veux.

Je le regarde, pendue à ses paroles.

- C'que je veux te dire, c'est que tu pourrais bosser dans un cabinet à Paris, habiter avec moi, y'a pleins d'trucs à faire, on s'ennuiera pas. Et quand ce sera le moment de construire une famille, on verra ce qu'on veut faire.

Je stoppe mes caresses sur sa main tandis qu'il relève les yeux vers moi, inquiet.

- Ça m'stresse carrément d'te dire tout ça, je sais que ça te demande de sacrifier ta vie ici, ta famille, tes amies.. je sais que j't'en demande beaucoup. Mais tu te feras des copines à Paris, et on rentrera ici souvent, aussi souvent qu'tu veux. J'sais pas si t'es prête, je comprends si tu refuses mais...

Je reste quelques secondes silencieuse. J'essaie de tout assimiler. J'attends ça depuis un an et pourtant, devant le fait accompli, j'hésite. Il me demande carrément de mettre toute ma vie de côté pour lui.

Je l'aime, mais j'ai peur. J'ai déjà été amoureuse, et j'ai déjà été très déçue. Si je quitte tout pour le rejoindre à Paris, et qu'on se sépare, ce serait une grosse merde.

- Dis quelque chose..

- Je sais pas trop, Mathieu... bien sûr, j'aimerais tellement qu'on habite ensemble, mais j'ai toute ma vie ici.

- Je sais.. mais à Paris tu m'as moi.

Je baisse les yeux, sans trop savoir quoi répondre.

- Même pour le travail... je vais devoir quitter Raphaël, je vais devoir trouver un truc à Paris, ça va être super compliqué.

- Mais Raphaël il sera content pour toi, que tu rejoignes enfin ton mec à Paris, qu'on puisse construire notre vie ensemble. Et pour le boulot j'me suis déjà renseigné, la mère d'Ad' est kiné et elle m'a dit qu'elle pourra t'aider.

J'acquiesce mais une boule se forme dans ma gorge. Je suis tellement partagée, j'ai besoin de prendre l'air.

- J'pensais que tu serais contente, il ajoute plus doucement.

Je relève les yeux vers lui, muette. Je ne sais même pas quoi lui dire. Mon cœur balance. Je vois bien qu'il est déçu, mais il ne se rend pas compte du sacrifice qu'il me demande de faire, sans aucune réflexion.

- Ça t'a fait un truc de l'revoir, hein ?

Je fronce les sourcils en comprenant qu'il parle de Paul-André.

- Pas du tout, Mathieu... ça n'a rien à voir avec lui.

Il soupire. Il est soûlé et je peux le comprendre. Même moi, je pensais que cette nouvelle allait me faire plaisir, mais sans vraiment savoir pourquoi ça m'angoisse.

- C'est quoi alors ? Ton taff' je m'en occupe, l'appart tu l'adores, si t'as envie on peut même le changer, ta famille tu pourras venir la voir quand tu veux. T'as envie de rester ici pour qui ?

- J'ai toute ma vie ici, et toi tu me demandes de tout lâcher comme ça du jour au lendemain ?

- C'est pas du jour au lendemain, Giulia. Ça fait un an qu'on galère à distance, qu'on essaie de trouver une solution...

Je mords ma joue. J'aime pas du tout quand il m'appelle par mon prénom.

- La dernière fois qu't'es venue à Paname tu m'as dit que tu t'verras bien là-bas, c'est quoi qui a changé depuis ? À part ton ex qui sort de prison ?

- Tu me soules, là. Paul-André n'a rien à faire dans cette histoire. Tu me demandes de faire un sacrifice que toi-même t'es pas prêt à faire.

Il fronce les sourcils. Je m'en veux de le voir aussi déçu.

- Donc c'est quoi ton projet ? Tu crois qu'on va rester comme ça ? On s'voit une fois toutes les deux semaines et on espère que ça tienne ?

Son ton est dur, il est devenu froid en l'espace d'une seconde. Ses mots me font mal et il le sait.
Moi, je ne sais toujours pas quoi lui dire. C'est le bordel dans ma tête.

- Vas-y j'ai été trop bête de penser que t'allais dire oui... j'vais faire un tour chez Pierrot.

Il se lève et je me redresse aussitôt. Il marche jusqu'à ma porte tandis que je le suis.

- Non mais Mathieu... reste.

- Pourquoi faire ? T'arrives même pas à m'dire les choses en face.

Il me lance un dernier regard avant de claquer la porte. Moi, je suis paumée.

***

le prochain c'est l'avant dernier chapitre 🤧

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