Giulia,
janvier 2022Deux jours qu'on s'est pris la tête avec Mathieu, deux jours qu'il m'ignore presque. Il a répondu à peine à mes messages hier, et aujourd'hui, c'est le silence total. J'ai passé la journée à regarder mon téléphone. J'ai eu envie cent fois de lui écrire. Mais non. J'attends. J'ai mal au cœur, et je comprends plus rien.
Il est bientôt dix neuf-heure et là encore je me retiens de pas lui envoyer un message. J'attrape un livre pour tenter de me concentrer sur autre chose mais mon téléphone vibre : il m'appelle.
- Allo ?
- Oui ?
- Ça va ? il demande.
- Hm...
- J'vois bien que tu fais la tête, hein. J'suis pas bête.
- T'es perspicace.
Il ne dit rien. Peut être qu'il ne sait pas ce que ça veut dire. Je devrais lui offrir un dictionnaire.
- C'est pas contre toi, Giulia. C'est juste que j'ai beaucoup de trucs à gérer, j'veux pas t'faire venir si c'est pour même pas m'voir. Tu comprends ?
- Je comprends que tu sois occupé mais ça fait un mois qu'on s'est pas vus. C'est long, j'ai envie de te voir, c'est tout je tente de me radoucir.
- Je sais mais c'est comme ça, c'est mon taff.
Il est froid, j'en conclus que ça sert à rien d'être douce.
- C'est toi qui m'a dit que tu serais prêt à faire des concessions, mais au moment de les faire y'a plus personne.
Un silence s'installe. Je ne peux pas m'empêcher d'être énervée, parce que la situation me frustre. Il me manque et je comprends rien à son comportement. J'ai l'impression qu'il se détache.
- Moi je suis prête à travailler deux heures de plus par jour pour caser mes patients et pouvoir passer quarante huit heures avec toi, et toi tu fais quoi ? À part me dire « c'est comme ça, c'est mon taff ».
Encore une fois, il ne répond pas.
- J'ai l'impression que c'est à sens unique, là. C'est toi qui m'a dit que tu savais gérer tes priorités, ne fais pas de promesses si tu sais pas les tenir.
- Vas-y dis pas ça.. c'est pas à sens unique. Tu m'manques à moi aussi, tu l'sais très bien. C'est pas une question de priorités, c'est juste que j'passe mes soirées au studio, la journée j'ai des rendez-vous, j'vais t'faire venir à Paris pour que tu puisses me regarder quand j'dors ?
- J'en ai rien à faire de ton travail, Mathieu. Ne viens pas parler de responsabilités avec moi. Je sais ce que c'est de travailler beaucoup, de faire des concessions sur sa vie perso, mais y'a des limites. Tu me prends pour une débile ou quoi ? Je vois très bien que tu m'évites.
Il ne répond pas. Son silence me rend encore plus folle. J'aimerai l'avoir en face de moi pour pouvoir lire dans ses yeux, comprendre ce qu'il ressent, ce que j'ai fait pour que ça parte en couilles.
- Mais assume tes responsabilités au moins, au lieu de te trouver des excuses pourries, là. T'as pas une heure à accorder à ta copine ? Dans un week-end entier ?
Il tente de répondre, mais je le coupe.
- Moi je suis prête à prendre l'avion pour qu'on se voit juste une heure. Et toi tu me joues le PDG d'Apple qui a pas une heure à m'accorder ?
