Ta vie prend fin ce jour

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Des témoins racontent...

À leur manière, ils livrent leur vérité. Leurs écrits ont été rassemblés dans cet ouvrage.

Leur présentation alternée doit permettre de rendre compte des événements.

Que cet ouvrage puisse vous éclairer sur ce qui est arrivé, sur ce qui arrive, et sur ce qu'il adviendra de nous...


Emy


1


— Ici.

Oscar coupe le moteur du van. Quand nous trouvons le bon endroit, pas besoin de faire de longs discours, le paysage va de soi.

Nous descendons, laissons nos yeux accaparer ce qu'ils voient pour la première fois. C'est un désert de pierre et de sable, et nous le dominons, perchés sur un aplomb rocheux. La route a bien voulu nous conduire jusque-là.

Nous aurions presque envie de la remercier. En vérité non, je suis déjà venue ici, Oscar aussi. Mais à chaque fois c'est comme une première fois. La sensation est si énorme que mes yeux pleurent de joie. Une petite joie de pas grand-chose mais qui fait toute la différence, une joie pure comme une eau cristalline.

Nous veillerons, dormirons, nous nous réveillerons ici. Ce sera magique comme à chaque fois. Ce sera la nature belle et puis sauvage. Ce sera ce que nous sommes venus chercher, un lieu hors du monde.

Un bémol tout de même, celui des avions qui tissent leurs toiles au-dessus de nous. Ceux-là n'en finissent jamais d'aller, de revenir, de se croiser, de se doubler dans une course sans fin. Plus haut, plus vite, Barcelone n'est pas loin, l'aéroport a faim. Il goûte puis il recrache ses carlingues tel un monstre affamé. Il faudra s'y faire, nous n'avons pas le choix. Il faudra oublier qu'on va et vient, se mêlant aux étoiles, à la lune témoin des humains frénétiques.

Je sais que nous y arriverons car le vin aidera. Il gomme le ciel par magie, et les rires qu'il déclenche font aimer n'importe quoi.

Nous buvons un premier verre en allumant le feu. La nuit tombe alors sans se presser, presque hésitante à chasser le jour. Nous récupérons quelques brindilles et des herbes sèches. Oscar fait jaillir la flamme du départ, celle des origines. Nous regardons les flammèches s'étendre, se propager en se donnant la main. Nos yeux, tels ceux des hommes des cavernes, aspirent à la chaleur. Et pourtant, il fait bon en cette soirée de juin. Mais la chaleur sera dans nos coeurs quand le feu s'élèvera. Il y aura du bonheur dans l'air au contact des bûches rougissantes.

Nous avons pris notre stock de morceaux de bois. Il ne faudra pas en manquer. Nous coucherons près de notre foyer sous le ciel d'étoiles. Il n'y aura que nous et le reste des cieux dans une communion parfaite.

Je regarde au loin, il n'y a vraiment que nous, je le veux, je l'exige.

Pas une lueur, aucun véhicule. Pas de bâtiment, pas même une cabane. Rien que les serpents et nous au fin fond du désert qui a pour nom Bardenas Reales. Un petit bout de désert espagnol pour un grand paysage, un énorme paysage, un monde sans horizon fini.

La viande cuit sur la braise vive et dégage une odeur ensorcelante. Le vent balaie les flammes sans les ménager. Nous nous regardons, le visage rougi. Il n'y a rien de plus beau à cet instant que nos yeux fatigués. De la bonne fatigue de randonneurs et ce vin qui nous chauffe en dedans jusqu'à nous faire bouillir. De la fatigue et de l'excitation, c'est là pleinement ce que nous ressentons.

Je me tiens tout contre Oscar et je ne dis pas grand-chose car le silence nous accompagne, parle à notre place, c'est celui du vent qui se marie aux flammes. Les mots ne seraient pas assez forts pour décrire ce qui se passe, ou bien « communion » est-il le plus approprié. Ce mot-là, je l'aime, il nous ressemble tant.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 31 ⏰

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