Rosehill

Chapitre 16

Elijah

En un fragment de seconde, tout mon schéma s'est écroulé. J'ai passé des heures, voire des journées entières à préparer cette soirée, dans tous les détails possibles. Mais en seulement neuf mots, mes milliers de calculs se sont effondrés avec une rapidité dérangeante.

Un rire nerveux s'échappe de ma gorge, tandis que les yeux bleutés de cette humaine continuent à me fusiller du regard, incrédule.

J'ai prévu tous les chemins différents qu'on pouvait prendre, mais ça... ça ne faisait pas partie du plan initial.

Cette partie d'échecs ne met pas en jeu seulement ma vie ou celle de Nova, mais aussi celles de dizaines de femmes, d'enfants et d'hommes. Tout ça en l'espace d'une heure ou moins.

Et toute la mission reposait uniquement sur le plan stratégique que j'avais minutieusement mis en place. J'ai promis aux membres de mon équipe, qui se sont entraînés pendant des jours, que toutes ces vies seraient sauvées sans aucune exception. Mais désormais, comment leur dire qu'un détail aussi ridicule m'a échappé ?

Je serre la mâchoire, essayant de contenir ma consternation.

J'ai beau essayer de me creuser la tête pour trouver un nouveau plan, il n'y en a qu'un seul et unique qui me traverse l'esprit. Et il ne me plaît pas du tout, tout comme je sais qu'il lui plaira encore moins.

Mais il n'y a pas d'autre choix.

Ce trafic humain est l'un des plus forts en termes de confidentialité, et leurs efforts pour garder leur emplacement secret redoublent dans la capitale. Une chance comme celle-ci n'arrivera sûrement pas de sitôt, sachant qu'ils changent de localisation à chaque soirée. Et qui sait ce qui arrivera à ces humains entre-temps ?

Nova me fusille toujours du regard, n'essayant en aucun cas de cacher sa frustration, notamment par sa poitrine qui se soulève et s'abaisse plus rapidement, comme à son habitude.

— Tu comptes me répondre, oui ?! La peur mélangée à la colère imprègne sa voix.

— Il y a une solution. Je peux te transmettre les mouvements nécessaires à distance.

— Et comment ? Même si tu parles avec des oreillettes, ta voix ne sera pas camouflée pour autant !

— Il y a une autre méthode. Une qui pourra nous faire communiquer sans que personne dans la pièce ne puisse s'en apercevoir.

Légèrement perplexe, elle hésite un instant avant de me faire signe de continuer, cette fois intriguée. La télépathie est une pratique assez peu répandue, due à ses conséquences sur le long terme, mais elle n'a pas à le savoir. Pas pour le moment.

Je reprends la copie de l'artefact de mon oncle que j'avais posée sur la table avant de m'avancer de nouveau vers elle.

Lorsque je lui prends le bras, un léger sentiment d'incertitude émane de son corps. Elle doit sûrement penser que les effets secondaires sont similaires à ceux de notre téléportation précédente.

La première téléportation fait toujours mal, bien plus qu'elle n'a subi. J'aurais sans doute préféré voir sa douleur la consumer, mais j'ai quand même atténué sa souffrance, en la partageant. Dans le cas contraire, elle n'aurait pas été en assez bonne condition pour ce soir.

— Ça ne devrait pas faire mal, la rassuré-je malgré moi.

Elle acquiesce tandis que je commence à implanter dans ses veines, par l'encre invisible de l'artefact, notre lien d'âme. Jamais au monde je n'aurais pensé faire le mien avec elle, une humaine — ce qui est d'ailleurs interdit par les règles de notre univers. Mais je ne peux pas choisir une autre issue dans de telles circonstances.