Rosehill

Chapitre 14

— C'est quoi ton projet maintenant ? Me poignarder en plein cours de pouvoir ?

— Si je fais en sorte que tu ne débloques pas les pouvoirs que Farah t'a donnés, ça revient au même, je suppose ?

La paralysie se propage dans mes membres, et je réduis le son de ma voix à néant.
Le choc ne provient pas de la menace en elle-même, mais des informations qu'elle contient. Je savais que d'une manière ou d'une autre, il connaîtrait ce secret, étant donné que je n'ai pas de pouvoir à cause de mon identité humaine. Mais s'il dévoile à l'administration que Farah m'a aidée, je n'imagine même pas dans quel pétrin elle pourrait être mise.

Même si elle répétais des dizaines de fois que rien ne peut lui arriver grâce aux relations de son père, je ne prendrais pas ce risque. Je ne veux en aucun cas la mettre dans une telle situation, peu importe si elle peut facilement s'en sortir.

Pour l'instant, je dois minimiser l'ampleur de cette information et faire en sorte de ne pas être impressionnée par tout ce qu'il sait de moi. Alors je desserre la pression sur mes épaules, ainsi que les traits de mon visage, crispés jusqu'à maintenant.

— Je réussirai, tu verras.

— Je n'ai pas envie de voir ça, ne t'en fais pas pour moi.

— Pourquoi tu as échangé nos binômes ? Tu aurais dû rester avec Holly.

— Elle parle trop, non merci. Et je t'ai sauvé d'Ivan, alors tu devrais me remercier, non ? Je trouve que tu as une trop mauvaise tendance à être ingrate.

Je pouffe, le sarcasme s'accumulant dans mes veines. Je suis à deux doigts de l'hystérie. S'il souhaite me mettre hors de mes gonds, il a réussi, mais je ne lui montrerai pas — détenant trop de fierté pour ça.

Un léger sourire qui apparaît au coin de ses lèvres ne fait que dupliquer mes émotions.

Il le fait exprès ? Si oui, qu'il aille bien se faire foutre.

Sa présence seule réussit à m'insupporter, et j'ai déjà du mal à accepter ce simple fait.

— Tu dois te présenter à ton instructeur, si jamais tu l'avais oublié, humaine, ajoute-t-il pour accentuer ma colère.

Il appuie précisément sur le mot "humaine", comme si c'était une insulte — tant qu'il en devient ridicule. Et je ne souligne même pas le ton de sa voix haineuse qu'il laisse parfaitement transparaître pour qu'il n'y ait pas d'hésitation quant à la rancœur qu'il possède envers moi.

Si il ne supporte pas à ce point qu'une humaine se soit introduite — par erreur de système ou autre — dans son établissement adoré, pourquoi s'obstine-t-il tant à envahir mon espace personnel ?

Il m'a poignardée lors de la première épreuve, a foutu en l'air mon plan à celle officielle, s'est introduit dans ma chambre le soir même, a dormi dans mon lit et maintenant s'est imposé pour être mon binôme, sûrement en tirant je ne sais quelle ficelle. Et je ne compte même pas les longs échanges de regards qu'il me fait pour que je n'oublie jamais à quel point il me déteste.

C'est lui l'hystérique entre nous ; ma parole.

Enfin bref.

— Et qu'est-ce que mon instructeur veut bien savoir alors ?

— Qu'est-ce qui pourrait être intéressant chez toi, dis-moi ?

— À ce que je sache, c'est toi qui ne me lâches pas une seconde juste pour me faire chier ?!

— C'est dans les coutumes des humains de répondre à une question par une autre ?

Sérieusement ? Il est la dernière personne qui devrait s'en plaindre, étant donné qu'il est le premier à avoir commencé ! Je serre mes poings, enfonçant mes ongles dans ma paume — ce qui laissera sûrement de nouvelles marques de demi-lunes.
L'instabilité me ronge, tout en me faisant monter et abaisser ma cage thoracique plus rapidement que la norme.