Déjà deux semaines que les cours ont repris, et j'ai dû faire face à une grande déception : le tirage au sort des équipes que je vais suivre durant le championnat universitaire.
En étude de journalisme, l'année dernière j'avais proposé ma candidature pour rejoindre le magazine sportif de la fac. Dès le départ, je savais que je ne correspondais pas au stéréotype de l'emploi. Mon surpoids n'est pas léger et je suis constamment la cible de moqueries. En grandissant, je pensais que cela ne m'atteindrait plus, mais force est de constater que ce n'est pas le cas.
— Je t'en prie, dis-moi que t'as bientôt fini, je m'emmerde à mourir, se plaint Joyce.
— C'est toi qui as insisté pour m'accompagner, je t'avais prévenu que ce serait long.
Mes yeux ne quittent pas l'écran de mon ordinateur, où je prépare la mise en page pour l'équipe de hockey sur glace. C'est mon sport préféré depuis toujours, et l'année dernière, j'aurais tout donné pour m'en charger. Finalement, après un accrochage avec un membre de l'équipe à la soirée d'inauguration et leur performance catastrophique de la saison, je ne regrette rien. Du coup, les avoir cette année ne m'enchante pas.
— Je croyais que tu comptais passer une année d'alcool et de Taylor Swift ? C'était une pub mensongère, avoue ? demande Joyce.
— Pas du tout. Je ne passerai pas mes week-ends enfermée dans notre chambre, mais je tiens à garder ma place au magazine. J'adore travailler ici, surtout que ça me donne de l'expérience. Tu sais bien que je veux être journaliste sportif.
— Elle va être belle ton expérience avec en gros titre de tes articles : les navets d'Uconn.
J'éclate de rire et fais rouler ma chaise pour lui faire face.
— J'admets que je n'ai pas eu de chance pour l'équipe de hockey, mais il y a quand même celle de football. Et leur capitaine est très sympa.
Des coups retentissent contre la porte, interrompant notre conversation. Mon sourcil s'arque et j'échange un regard inquiet avec Joyce.
— Oui ? demandé-je.
La porte s'ouvre, révélant le visage du coach Stewart. Surprise et inquiétude m'envahissent. Qu'est-ce qu'il me veut ?
— Bonsoir, mademoiselle Lawson, je savais que je vous trouverais ici.
Son air bourru me fait grimacer. Il scrute la pièce d'un regard critique avant de me fixer. Je me sens soudain comme une enfant ayant perdu sa langue. Au sein du magazine, la réputation de monsieur Stewart le précède, peu d'entre nous veulent avoir affaire à lui, tant il met mal à l'aise.
Il a la même expression faciale que Grumpy Cat, ton Coach.
— Bonsoir, Coach Stewart. Vous avez besoin de quelque chose ?
Avoue, t'as envie de rigoler ?
Ma petite voix se marre sans retenue, et je me mords les joues pour éviter les foudres de monsieur Stewart. Après un long silence, il s'avance jusqu'au bureau.
— J'ai cru comprendre que vous alliez travailler avec nous cette année ?
— C'est exact.
Intriguée, je lance un regard à Joyce qui hausse les épaules.
— Je reviens d'une longue réunion avec la direction et, par je ne sais quel miracle, ils ont accepté une idée de l'équipe, m'informe-t-il.
Perdue, je plisse les yeux et attends la suite avec impatience.
— C'est quoi l'idée au juste ? me devance Joyce.
— Les gars veulent réaliser un nouveau calendrier.
— Et vous avez eu une réunion pour ça ? Vous ne vendez pas un calendrier chaque année ?
Quand on y pense, obtenir l'autorisation de la direction n'est pas surprenant. Le calendrier de l'année dernière a été un échec total, plusieurs cartons en témoignent encore dans notre salle de matériel.
— Justement, reprend le coach. Si je viens vous voir en personne, c'est parce que le calendrier va être complètement différent. Nous allons opter pour un format moins sportif et plus artistique. L'équipe va mettre en avant ses atouts physiques.
Mes paupières battent, ma petite voix est en erreur 404.
— C'est-à-dire ?
— Moins de vêtements, plus de peau.
On va voir des culs à en perdre la vue !
Je m'étouffe avec ma propre salive, tandis que Joyce s'accroche au dossier de ma chaise. En tournant la tête, je remarque qu'elle plaque une main devant ses lèvres. Les yeux ronds, elle passe du coach à moi. J'aimerais qu'elle trouve quelque chose à dire, mais elle semble aussi sciée que moi.
— C'est légal ?
— Je ne vais pas vous mentir, je suis le premier surpris qu'ils aient accepté une telle proposition. Cependant, ils ont imposé des règles strictes : rien ne doit être visible en dessous de la ceinture, précise le coach.
— Encore heureux !
J'étais curieuse de découvrir leur crosse. Dommage !
Non... Non, cette petite voix n'est pas la mienne. Je refuse.
Agacée, je fais taire ma conscience. Cette nouvelle est aussi surprenante que terrifiante. Réaliser les photos n'est pas un problème. L'année dernière, j'ai aidé Nate pour son compte Instagram avec des clichés plus personnels. Le vrai défi, c'est de photographier l'équipe entière. Cela va exiger une organisation de maître, et avec leurs entraînements, c'est mon temps libre qui va être sacrifié pour leur projet. Ce qui m'inquiète le plus, ce sont les événements qui ont eu lieu l'année précédente et qui ont coûté leur place à plusieurs joueurs. Surtout que de mon côté, l'un d'eux ne me donne pas envie de me retrouver enfermée avec l'équipe.
— Je sais que l'équipe n'est pas facile à gérer, reprend le coach. C'est pourquoi je vous donne carte blanche. Ils peuvent vous suggérer des idées, mais c'est vous qui dirigez et prenez les décisions. Si l'un d'eux vous pose problème, il sort du projet et je m'occuperai de son cas.
— Je ne pense pas, du moins j'espère, que nous aurons besoin d'aller jusque-là. Est-ce que l'équipe a un porte-parole ? Ce serait plus simple d'échanger des idées avec une ou deux personnes.
— J'en nommerai un, mais avant, je vous propose de rencontrer l'équipe.
Avec mes pieds, je pousse ma chaise sur le côté pour récupérer mon agenda.
— D'accord, quand ?
Alors que je consulte mes disponibilités, le coach plaque sa main sur mon carnet. Doucement, je relève la tête. J'ai bien envie de lui demander de retirer ses sales pattes de là, mais je me contente de sourire.
— Maintenant !
— Comment ça, maintenant ? demandé-je, inquiète.
— Leur entraînement n'est pas encore terminé. Je vais y mettre un terme en arrivant à la patinoire et vous présenter en même temps.
Prise de court, je reste bouche bée, cherchant un moyen d'esquiver cette rencontre précipitée.
— Je peux vous accompagner ? propose Joyce.
— Vous êtes ?
— Son assistante.
Sans même la regarder, je visualise le sourire sur son visage alors qu'elle ment comme elle respire.
— Très bien ! Ne perdons pas de temps.
À peine sa phrase terminée, le coach fait volte-face et quitte la pièce. Déconcertée, je me lève et rassemble mes affaires. Joyce, toute souriante, passe un bras autour de mes épaules et lance joyeusement :
— Finalement, cette année sera faite d'alcool et de hockeyeurs !

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THE ICE KINGS
RomanceTHE ICE KINGS Jude, hockeyeur en quête de rédemption après une rupture, se consacre entièrement à son sport, prêt à tout pour redorer l'image de son équipe. Cassy, étudiante en journalisme, rêve d'une vie universitaire sans barrières mais peine à s'...