THE ICE KINGS

1# JUDE - COURIR SANS SLIP, ÇA REMUE.

— Les rois de la glace débarquent sur le marché de l'amour ! s'écrie Marlon.

— Deux heures qu'on est de retour sur le campus, il me fatigue déjà.

Lewis, notre défenseur, soupire puis accélère le rythme pour rejoindre le reste de l'équipe. Les entraînements de hockey reprennent dans deux jours, mais nous avons décidé de courir tous ensemble en admirant le soleil se coucher. Deux mois que nous ne nous sommes pas vus et, pour certains d'entre nous, cet été fut bien long.

Depuis le collège, Marlon, Ezra, mon jumeau et moi passons nos vacances chez les grands-parents de Lewis. Pour la première fois en sept ans, nos chemins se sont séparés.

De mon côté, mes parents s'éclipsant dans la vallée de Napa pour déguster du bon vin, j'ai bouclé mes valises pour partir avec mon frère. Joyce, une amie qu'il s'est faite pendant notre première année, s'est envolée avec nous pour Miami. Autant dire qu'elle est plus agréable en photo qu'en vrai. Déjà que je ne suis pas prêt à m'engager dans une nouvelle relation depuis ma séparation, elle m'a vacciné pour au moins une décennie.

Le souffle court et le visage dégoulinant de sueur, Ezra se place à mes côtés.

— Je savais que j'avais perdu du cardio, mais je ne pensais pas que c'était à ce point, souffle-t-il.

— Ça va revenir, t'en fais pas. On pourra aller à la salle de muscu tôt le matin pour faire des exercices, si tu veux.

— Ça risque d'être compliqué. Je ne te l'ai pas dit, mais cette année je ne reviens pas dans la maison des Huskies, je reste chez moi.

— Ah bon ?

Ma surprise est telle que je m'arrête. Après quelques pas, Ezra m'imite et se tourne vers moi, le regard fuyant.

— Tu sais... Depuis que mon père nous a laissés, ma mère ne va pas très bien. Je préfère être avec elle et faire la route tous les jours, m'explique-t-il.

— Je comprends. Tes vacances se sont bien passées, sinon ?

— Rien de bien intéressant à raconter. Comme tout le monde, j'ai profité du soleil. Allez, on y retourne, on va les perdre.

Les sourcils froncés, je l'observe s'éloigner. Ezra reste très évasif sur son été en solitaire, ce qui ne lui ressemble pas. Meilleurs amis depuis la crèche, nous avons toujours été liés comme les deux doigts de la main. Malheureusement, depuis que nous sommes à la fac, nous nous éloignons. Le problème, c'est que je suis un peu responsable de cette distance qui s'installe.

Après quelques secondes plongé dans mes pensées, je sprinte pour rejoindre l'équipe. Lorsque je retrouve mes potes, je me mets à leur rythme et les échanges reprennent de plus belle.

— Et toi, Lewis, t'as fait quoi au Texas ? l'interroge Ezra.

— J'ai aidé ma mère à la ferme. Mon père s'est cassé le bras la première semaine, coincé par un bœuf contre une barrière. C'était long, chiant, éprouvant, et en tout et pour tout, je suis allé une fois à la piscine...

— Et tremper le biscuit ? demande Marlon.

— Zéro ! grogne Lewis.

Le poing devant les lèvres, je me retiens de rire. S'il y en a bien un de nous qui n'est pas raisonnable sur le sexe, c'est Lewis. L'année dernière, chaque week-end, une nouvelle fille se trouvait à son bras. Je crois même que toutes les nanas de l'équipe de cheerleaders sont passées dans sa chambre.

— Et toi Marlon, ce stage d'équitation, c'était comment ? m'intéressé-je.

— Il s'est plus fait monter qu'il n'a monté la jument, balance Lewis.

— J'étais le plus bel étalon de l'écurie, elles rêvaient toutes de chevaucher ma selle spéciale, réplique Marlon en faisant danser ses sourcils.

Ezra manque de s'étouffer avec sa propre salive et tousse à n'en plus finir. En le voyant, Lewis lui tapote le dos pour l'aider à reprendre son souffle. De mon côté, je me remémore les paroles de Marlon avant son départ et demande :

— Hé, mais t'avais pas dit que ton stage était un moyen de purifier ton âme ?

— Exactement, j'ai extrait tout le négatif pour devenir un homme meilleur.

— Parce que le négatif logeait dans tes couilles ? questionne Ezra.

— Bah oui ! Aujourd'hui, je suis un nouvel homme. Et cette année, je compte bien rencontrer la nana qui est faite pour moi.

Les autres membres de l'équipe entendent notre conversation et ne peuvent s'empêcher de rire de ses révélations. Notre ailier droit est un véritable comique, et il me tarde de voir celle qu'il désignera comme âme sœur. Connaissant le phénomène, le monde ne se remettra pas du futur couple qui nous attend.

— Attention, les gars ! intervient Lewis. Jolies filles sur la gauche !

— C'est le moment de faire sauter le t-shirt ! s'exclame Marlon.

Tout le monde se prête au jeu et nous retirons nos t-shirts pour exhiber nos torses.

— Par contre, je vais devoir aller à la salle de musculation, enchaîne Marlon. Regardez mes gougouttes comment elles sautillent ! Blup blup blup.

Lewis me lance une œillade amusée, et nous rions aux éclats. Je coince mon maillot dans l'élastique de mon jogging et tente de reprendre mon sérieux pour ne pas perdre mon souffle. Mais Marlon ne s'arrête pas là.

— Mais c'est vrai ! Regardez ! Blup, blup, blup, insiste-t-il en tapotant le dessous de son pec pour le faire rebondir davantage.

— Ferme-la, grogne Lewis. On va finir par s'étouffer avec tes conneries.

— J'me demande ce qui nous a retenus de le balancer dans le lac ? s'interroge Ezra.

— Le short blanc, précisé-je.

— Et il a pas de slip, ajoute Lewis.

Machinalement, tous les regards se braquent vers l'entrejambe de Marlon. Je n'y avais pas prêté attention plus tôt, mais il est évident que son membre valse dans tous les sens sans discrétion.

— Bah vous emmerdez pas surtout, matez ma bite sans pression ! braille-t-il.

— Mais comment tu fais pour courir comme ça ? grimace Ezra.

— Je pratique le sexe libre. Moins de tissu pour plus de liberté. Bon par contre, faut que je vous avoue, courir sans slip, ça remue.

— Je m'éloigne de ce timbré ! soupire Lewis.

À peine est-il devant moi que j'admire le tatouage qui recouvre son dos : une somptueuse tête de lion coupée en deux, avec une partie réaliste et une autre géométrique. En plus d'être son signe astrologique, le lion représente, selon lui, la force et le courage.

Sans attendre, Marlon le rattrape en bombant le torse et agite sa main comme un débile pour saluer des étudiantes. Je souris, mais contrairement à eux, obtenir l'attention de la gent féminine ne m'intéresse pas. Si l'année dernière je me suis laissé embarquer dans les travers de l'université, je ne tiens pas à reproduire les mêmes erreurs. Seul le hockey compte et rien d'autre ne pourra se placer entre ce sport et moi.

Alors que nous approchons de la patinoire, mon téléphone vibre dans ma poche. Intrigué, je plisse le front et m'arrête pour regarder.

— Un problème ? demande Lewis.

Marlon et Ezra se tournent à leur tour et ensemble, ils s'approchent. De mon côté, je reste figé devant la notification qu'ils viennent découvrir d'eux-mêmes.

— Oh putain, soupire Ezra.

— Le culot, s'étonne Lewis.

— Satanas, braille Marlon.