— Mettez-vous en file indienne, on va inscrire vos noms avant de monter dans le car.
Cette voix me fait sortir de mes pensées.
A nouveau, je réalise pour l'énième fois que je ne suis maintenant qu'à quelques heures de Rosehill, séparée seulement par la distance.
J'ai presque l'impression d'halluciner.
Nous sommes une centaine sur le parking, à attendre de monter dans l'un des deux cars. Je n'arrive pas à percevoir l'intérieur, à cause des vitres teintées, mais une dizaine d'élèves doivent déjà être entrés dans le mien.
Une main derrière moi m'interpelle, me touchant l'épaule du bout du doigt. En me retournant, j'aperçois une femme qui ne doit pas dépasser un mètre cinquante, grelottant sûrement de froid ou d'impatience.
— Est-ce que tu sais dans combien de temps on va arriver sur l'île ?
L'île ?
Je hausse un sourcil perplexe, avant de l'interroger davantage sur le sujet, car il n'y a sûrement pas d'île à Washington D. C., mais une voix me coupe.
— Taisez-vous ou vous allez mourir dès le premier jour toutes les deux.
— Pardon ?
La femme devant moi retrousse toutes ses tresses en une queue de cheval, puis me fusille du regard par-dessus son épaule, me dissuadant de continuer à parler, avant de ne plus me prêter aucune attention.
Je n'ai pas vraiment compris ce qui vient de se passer, mais le choc paralyse mes membres.
Qu'est-ce qui cloche chez elles ?Lorsque la file pour grimper dans le car diminue, mon tour vient.
— Nom et prénom.
Sa voix est poignante et ferme, presque menaçante, pas comme ce que j'aurais pu imaginer du personnel de Rosehill, qu'on m'avait décrit comme des anges.
Je ne m'y attarde pas plus.
— Nova Klein.
Elle note sur sa tablette je ne sais quoi, après m'avoir analysée de haut en bas derrière ses minuscules lunettes en forme d'ovale. Elle me montre du doigt ma place, côté vitre, près de la fille tressée et au teint halé de tout à l'heure, dont la voix ne pouvait sûrement laisser entendre que des menaces.
Je m'avance alors dans le couloir du car, resserrant ma prise sur mon sac, avant de m'asseoir près d'elle.
Quand les vingt minutes les plus pesantes de ma vie passent, tout le monde est enfin monté. La conductrice referme la porte à double tour, ne nous laissant plus aucune vue sur le système de conduite ou la route.
Le silence est maître dans le car, personne n'ose faire porter sa voix plus haut qu'un chuchotement. L'atmosphère est étrange, mais je ne la souligne pas davantage.
Je repose ma tête sur le siège.En tant qu'insomniaque, ça ne me sert à rien de fermer mes paupières comme le reste des élèves, car dans la plupart des cas, ça empire presque mon absence de fatigue.
Je jette un coup d'œil à ma voisine qui fixe intensément le plafond, comme pour chercher quelque chose. J'ai l'impression qu'elle déchiffre l'univers entier tant ses iris percent le plafond, tandis que moi, je ne vois rien, si ce n'est un petit micro et les interrupteurs pour la lumière.
Elle reste ainsi pendant plusieurs minutes, ne clignant pas une seule fois des yeux.

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Rosehill
RomanceAlors qu'elle s'imaginait intégrer l'une des écoles les plus prestigieuses du monde, Nova Klein se retrouve propulsée dans une académie surnaturelle où sa survie dépend d'un secret : son identité d'humaine. Pris au piège dans cet endroit où la mort...