« Mon cher Otis, voici un évènement qui concerne plus particulièrement ton vieux Gardien de papy, écoute bien.
Les Byron habitaient dans leur modeste, mais néanmoins charmante demeure depuis plus de dix ans, lorsque je me rendis chez eux pour la première fois.
Robert, dit Bob, avait la quarantaine, un regard bleu profond qui contrastait avec sa peau au teint mat et sa chevelure poivre et sel. Il aidait bénévolement et avec grand plaisir monsieur Percy dans le magasin d'antiquités, une de ses passions et plus particulièrement les traditions elfiques et ce jour-là, il voulait me confier un objet pour le musée de la cité.
Charlène, son épouse, également dans la quarantaine, m'accueillit et me demanda d'attendre dans l'entrée, car Bob avait un peu de retard ; j'observais ensuite son corps filiforme et son visage pâle disparaître derrière une porte bleue. Sa blancheur de peau faisait dire aux imbéciles du voisinage qu'elle devait sûrement être atteinte d'une maladie pour présenter un tel teint. Ensemble, le couple élevait leurs deux enfants Frank et Marjorie, en pleine adolescence. Ils partageaient la vie familiale avec leur chat Tintamarre, un rescapé des rues au poil tigré, avec une balafre sur le museau, et leur chien Falafel, un chihuahua beige et râleur qui complétait le tableau. Ce dernier était toujours à l'affût d'une caresse, mais gare au facteur s'il osait s'approcher trop près de la porte d'entrée. Chaque courrier recommandé ou livraison de colis donnait lieu à un spectacle dramatique : Falafel hurlait tel un loup pour annoncer la présence de l'ennemi sur le perron, tandis que Tintamarre s'installait sur le rebord de la petite fenêtre, côtoyant la porte d'entrée, prêt à défigurer l'envahisseur au moindre geste analysé comme hostile. Cependant, une fois passé le peloton de garde, la convivialité et la simplicité des habitants des lieux se percevaient dès que l'on franchissait la porte d'entrée d'un blanc immaculé, rappelant la pureté du sable, tout aussi blanc, des plages non lointaines. Charlène, en bonne maîtresse de maison, veillait à ce que la porte reste toujours blanche et les sols toujours propres et il en était de même pour le miroir qui faisait face à l'entrée. Je me disais instinctivement qu'elle devrait quand même se méfier, car un miroir disposé ainsi n'est pas gage de sérénité ni de sécurité.
En effet, Otis, je vois à ton regard interrogatif que tu ne connais pas les précautions d'usage concernant l'agencement de certains objets pour optimiser au mieux la protection du domicile. Je vais en profiter pour t'expliquer la règle essentielle en matière d'entrée :
Le miroir reflète notre image, mais également les rayons du soleil qui viennent à sa rencontre ; ainsi, dans une pièce sombre, il éclaircira l'atmosphère et dispersera l'énergie positive. Cependant, placé face à une porte d'entrée, le miroir renverra les rayons du soleil vers l'extérieur ne permettant pas à l'énergie positive d'exercer ses bienfaits dans la maison. De fait, les esprits malintentionnés disposent de plus de facilité pour pénétrer dans le domicile, et cela malgré n'importe quel peloton de garde, aussi féroce soit-il. Pour remédier à ce problème, Charlène devrait déplacer le miroir et l'accrocher sur un des murs perpendiculaires à l'entrée afin qu'il ne soit plus face à la porte. La place laissée vacante par le miroir conviendrait parfaitement à un masque, n'importe quel type de masque, tant qu'il s'agit d'un masque.
Elle pourrait par exemple exposer ceux bricolés par les enfants pour le jour du Kidean et sa parade masquée chasseuse de mauvais esprits. Ou encore celui provenant de la ville flottante d'Exoetus, traditionnel lors de la fête du vent. Ce masque paré de centaines de plumes blanches et bleues incrustées en son front d'une pierre précieuse verte lui avait été offert par Mélanie, sa meilleure amie. En ce moment, elle s'inquiétait pour elle, car son mari était décédé depuis deux ans maintenant, mais elle n'arrivait toujours pas à faire son deuil et ce masque symbolisait leur dernier voyage en famille. Un autre masque pourrait éventuellement faire l'affaire, celui rangé au-dessus du placard du bureau, l'oncle de Bob offrit ce présent à la petite famille au retour d'une de ses nombreuses expéditions archéologiques. Si Charlène me demandait mon avis, ce qu'elle ne fera sans doute pas, je dirais que ce dernier serait le choix idéal. Le masque affichait un visage menaçant sculpté dans de l'ébène, prêt à effrayer celui qui viendrait avec un but caché. Tu sauras, Otis, que l'ébène est symbole de puissance, de pureté, de protection et de chance ; ainsi ce masque empêchera n'importe quel importun de mettre ne serait-ce qu'un orteil sur le tapis du perron qui proclame pourtant un message de bienvenue. »

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Symviosi-Le livre des gardiens
FantasyUne histoire de deux mondes qui se juxtaposent, sans vraiment se connaitre. Alors que l'ancien et le nouveau se remettent à cohabiter pour d'étranges raisons. Il était temps que nos personnages se révèlent à eux même pour comprendre comment pallier...