« Ah ! Charmina ! Voici l'histoire peu banale d'une jeune femme symviosienne également peu banale...
Depuis toute petite, Charmina Molva était connue dans la bourgade pour sa gentillesse, mais également pour son regard d'une tristesse sans pareil.
À l'école, petite, elle intervenait rarement pendant la classe, au grand dam de son institutrice d'alors, dévouée quasiment corps et âme à ses élèves. Elle ne comprenait pas son silence et se désespérait de ne pas pouvoir lui apporter de l'aide, seule la musique semblait détendre son faciès, ainsi que les séances de danse traditionnelle des elfes blancs, qui libéraient un tant soit peu son corps des tensions. À l'adolescence, la tristesse s'effaçait lentement pour laisser place à une colère difficilement gérable par la jeune fille. Sur les conseils de sa cousine Mia, férue à l'époque d'ouvrages sur la plénitude mentale, elle s'était inscrite au cours d'arts martiaux de monsieur Fu pour apprendre à canaliser cette énergie massive qui était à deux doigts de la faire exploser. Mais tout le monde s'accordait pour dire qu'elle était douée d'une volonté de fer, qu'elle savait défendre ses idées et mener une révolte si la cause lui paraissait juste. L'année précédente, elle avait initié une fronde contre l'implantation d'une filiale de l'éminent laboratoire scientifique de Catame, le LSC, au carrefour du champ des disparus et du repos, sur la route du désert de perlite et des elfes bleus. Andréas Lycos, le directeur de l'institut, avait usé de tous les stratagèmes possibles pour parvenir à ses fins, promettant même à la jeune fille de développer un secteur de recherche dédié à l'élaboration d'un remède concernant son problème existentiel. La jeune femme disait ne connaître que trop bien Andréas, ce beau et grand ténébreux venait de Symviosi et elle s'était toujours méfiée de ce foudre d'éloquence au sourire charmeur ; elle préférait largement son frère jumeau Giléas, beaucoup plus avenant et franc de contact. Finalement, Charmina, forte d'une manifestation de contestation ayant rassemblé une majeure partie de la population, dont ta grand-mère et moi, réussit à convaincre le conseil municipal d'exercer son droit de veto concernant l'installation du LSC dans notre contrée.
La jeune femme travaille actuellement au sein du "carré noble" de monsieur Fu, ce dernier l'ayant pris sous son aile pour l'aider à trouver la voie du calme intérieur. Elle transmet le savoir inculqué par son mentor à la communauté de Symviosi, dans le cadre de cours ouverts pour tous, dès trois ans, jusqu'à la mort. Lorsque monsieur Fu parle de sa protégée, il la décrit comme une personnalité forte, douée d'une très grande intelligence et capable d'analyser une situation comme les plus prestigieux généraux de l'histoire.
Son temps libre Charmina le passait souvent seule ; sa cousine, quoique plus âgée, et confidente Mia ne venant plus que très rarement à Symviosi à présent, au grand regret de leur grande tante Philo.
Ainsi la jeune femme se baladait régulièrement en pleine forêt ou encore arpentait les étroites passerelles en bois qui enjambent les marais et les tourbières du nord. Souvent elle se recueillait devant la stèle en pierre grise des montagnes, en hommage aux disparus de la bataille des marais. Elle y déposait un bouquet de fleurs de lune et posait sa main gauche sur la pierre taillée dont elle ressentait étrangement les frémissements émanant de la roche ancestrale. Charmina vouait un des plus grands respects aux guerriers, ceux qui défendent les leurs. Elle se disait toujours que si un ennemi venait à s'en prendre aux terres de Symviosi, elle mènerait la lutte jusqu'au bout, jusqu'à la mort. Mais avant de poursuivre son chemin, elle admirait toujours, les yeux pleins d'étoiles, « la perle noire », ce fier destrier à la force et au courage incomparables qui protégeait de son corps cabré la stèle du souvenir. Elle rêvait en secret de croiser un jour un de ces chevaux fabuleux qui parcouraient les contes que lui narrait sa grand-mère, et dans ces récits, pour les chevaucher, le héros devait toujours se montrer digne et disposait d'une grande force d'âme.

VOUS LISEZ
Symviosi-Le livre des gardiens
FantasyUne histoire de deux mondes qui se juxtaposent, sans vraiment se connaitre. Alors que l'ancien et le nouveau se remettent à cohabiter pour d'étranges raisons. Il était temps que nos personnages se révèlent à eux même pour comprendre comment pallier...