Jeanne Lion

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Jeanne, Lion de son nom de famille, était douée du don de clairvoyance. Fille d'un guide spirituel et d'une mère issue de la vieille royauté druidique albiaise, la légende veut qu'elle vécût et mourût dans la même demeure. Elle consacra une grande partie de sa vie aux gens de sa communauté, à une époque où cryodragons et automobiles n'étaient encore qu'une idée folle de savants extravagants. Pour appréhender cet épisode de l'histoire de Symviosi, il faut se projeter deux siècles et demi en arrière. Son don, car la jeune fille avait un don, se révéla aux yeux de tous l'année de ses quinze ans, et plus particulièrement le jour où elle sauva le petit Jack de la noyade. La lune rouge, l'astre bienfaiteur de sa famille, allait l'avertir du destin que le lac Campbell, au pied de la montagne, comptait réserver au petit garçon.

Ce matin-là, le jeune Jack Ambrage âgé de huit ans avait délibérément faussé compagnie à sa sœur, Malia, de quatre ans son aînée. La fillette s'était vu confier la tâche de surveiller son petit frère durant l'absence de ses parents. Ces derniers débutaient la tonte des moutons dans la bergerie familiale située dans une prairie à l'autre extrémité de la bourgade. Ben et Frelad Ambrage s'étaient installés dans la communauté quatre ans auparavant.

« Ambrage ? Comme le maire ? » questionnait Otis.

« Oui, c'est ça, Alfred est un descendant de Ben et Frelad », confirmait Aldéric.

Ainsi, la petite famille avait suivi un conseil donné jadis au père de Ben par Rix, un membre du corps des officiers de police, après une énième plainte d'agression physique à l'encontre de sa famille. Leur ancienne cité était assez coupe-gorge, notamment les quartiers pauvres et d'autant plus la nuit tombée, il ne faisait pas bon de traîner dans les rues et de rentrer tard de son travail. Ils venaient d'un milieu populaire, ouvriers tisserands de laine depuis des générations et habitaient dans des logements sommaires mis à disposition par l'usine qui les employait. Chaque famille disposait d'une maison en duplex sans jardin, les murs latéraux des habitations étant collés les uns aux autres, le tout dans une rue aussi droite qu'un i, se déroulant à perte de vue entre les hangars remplis de machines à tisser. Ben désirait assurer un meilleur avenir à sa famille en quittant la vie triste et harassante de Catame ; il regrettait que son père n'ait pas pris la même décision malgré les conseils avisés de cet officier de police qui se prit d'affection pour ce vieil homme et son fils. Mais le père de Ben, bien trop désespéré et fatigué, ne put ni continuer son travail ni trouver la force nécessaire pour quitter la ville. Il mourut d'un arrêt cardiaque laissant Ben seul avec sa mère. Il dut subvenir aux besoins du foyer et prit ainsi

le relais de son père à son poste de tisserand où son seul bonheur fut de faire la connaissance de Frelad. Sa mère ne survécut pas longtemps au décès de son mari. Ainsi, deux décès, un mariage et deux enfants plus tard, Ben décida une fois pour toutes de déménager avec sa petite famille. Il se souvenait des paroles de ce jeune officier de police aux longs cheveux noirs, Rix, qui songeait également à quitter Catame. Ce dernier expliquait être venu dans cette grande cité pour s'y perdre, afin de mieux se retrouver en coupant les ponts avec les siens. 

Voici ses paroles :

« Les arbres me manquent, leur énergie vivifiante et réparatrice, leurs conversations glanées au fil du vent, autant de moments passés dans la forêt mystérieuse à leur écoute...
Monsieur Ambrage, emmenez votre petite famille à Symviosi, une bourgade au sud de la forêt mystérieuse qui accueille les bonnes âmes sans distinction ni préjugé.

Symviosi-Le livre des gardiensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant