La révélation

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La mer de la tranquillité déversait immuablement ses rouleaux azurés sur les plages argentées de Symviosi tout en disséminant ses embruns vers l'intérieur des terres. La bruine se dispersait presque méthodiquement d'un jardin à l'autre, inondant chaque matin de ses bienfaits la flore en cette saison de renaissance. Les gouttelettes iodées poursuivaient leur vol, passant au-dessus de la petite ville encore partiellement endormie en ce début de matinée, pour atteindre une petite maison de plain-pied au toit de chaume. Les dernières petites gouttes d'eau salées vinrent délicatement se poser sur le visage d'un vieil homme et d'une vieille femme qui se prélassaient tranquillement sous leur grand chêne en cette douce matinée printanière. Ils prenaient leur petit déjeuner sereinement, dans le grand jardin arboré, à l'abri des regards et des rayons déjà lumineux du soleil. Aldéric et Messalia profitaient de la vie, leurs deux enfants avaient quitté le nid pour vivre leurs propres aventures il y a bien longtemps déjà. Mais aujourd'hui, un grand jour s'annonçait. En plus de célébrer le retour du printemps, pour la fin de semaine, Aldéric avait convié Otis, son petit-fils âgé de vingt-cinq ans, afin de lui confier ce qu'il savait de plus précieux et de plus secret. Un nouveau cycle se préparait à Symviosi, la renaissance de la nature marquait pour Aldéric la fin, mais aussi le renouveau qui l'attendait lui et le vénérable conseil des Gardiens.

« Voilà une belle journée en perspective, Messalia, admire ce grand soleil qui se lève derrière les montagnes, et dire qu'il va falloir que je me retranche toute la journée dans mon bureau », remarquait Aldéric, l'air amusé. « Je me plains, je me plains, mais si tu savais, Messalia... Ma personne tout entière est honorée, excitée, émue et stressée au regard de la mission qui m'incombe. Otis ne va pas tarder à arriver, le pauvre, il ne se doute de rien. »

« Mais tout va bien se passer, Aldéric, ton petit fils et toi aviez toujours partagé le même intérêt pour les mystères de ce monde. Ce n'est pas un hasard s'il travaille comme géologue à examiner chaque pierre sous la moindre couture pour en découvrir les secrets », rassurait Messalia de sa voix douce et posée.

« Tu as sans doute raison, ma chérie, comme d'habitude », répondait le vieil homme avec un regard plein de tendresse vis-à-vis de son épouse.
« Tu sais, je lui ai demandé de venir assez tôt ce matin, car le programme va être chargé et je n'ose même pas imaginer dans quel état il va repartir demain soir...

Messalia ! Messalia ! Regarde ! Le voilà ! Il me rappelle sa mère avec sa conduite sportive et le nombre de gravillons projetés sur la pelouse qui borde l'allée ! », rajoutait-il, en faisant les gros yeux.

« Hello papy, hello mamie, comment ça va vous deux ? », hurlait Otis en s'extirpant de sa petite voiture électrique verte. Le grand et sportif jeune homme claqua la porte de son petit bolide et se dirigea nonchalamment vers la table du petit déjeuner, les mains dans les poches, pour voir s'il ne pouvait pas grappiller deux ou trois morceaux de brioche maison aux pépites de chocolat.

« Bonjour, mon petit, je t'en prie, sers-toi, la brioche n'attendait plus que toi et tu vas avoir besoin d'une grosse part, car ton papy t'a préparé une journée mémorable », lui proposait Messalia de sa voix douce et malicieuse, clin d'œil à l'appui, tout en s'éloignant des deux hommes pour disparaître dans la maison.

« Mon petit ! Mon petit ! J'ai quand même vingt-cinq ans », bougonnait le jeune homme, la bouche pleine de gâteau, affalé dans un des vieux sièges en fer forgé blanc.

Symviosi-Le livre des gardiensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant