𝗢𝗛𝗠𝗬𝗢𝗣𝗣𝗔.𝗖𝗢𝗠 ☆ MINSUNG

008

8. sac de nœuds (ou 'je suis pas homophobe, mon chat est gay')

Minho secoue son parapluie avant de s'engouffrer à l'intérieur, jetant l'objet dans le panier près de la porte. L'avantage de ce temps de gueux, c'est que ça démotive les gens normaux à sortir, le café est plus vide qu'espéré, ils auront l'embarras du choix pour s'installer. Il avise deux fauteuils autour d'une table basse, Jisung lui n'a d'yeux que pour les pâtisseries derrière la vitrine du comptoir. Son guide s'enquiert, sourire Oh My Oppa aux lèvres :

« - Alors ?

- Pas mal, » Il jette un œil approbateur à la déco rétro, les meubles vieillots et dépareillés, le joyeux capharnaüm de déco aux murs. « faut voir ce que les gâteaux valent. »

C'est à leur tour de commander. Leur plateau prêt, Minho le récupère avant que son client n'ait eu le temps de tendre la main pour s'en charger, et s'en va en remerciant chaleureusement le caissier.

Parce qu'il est quelqu'un de bien, pas un petit con insupportable, du genre qui se fout de la gueule d'un parfait inconnu sans essayer de se cacher.

Oui, cette histoire à la mord-moi-le-nœud le travaille encore. Jisung a tort quand il croit que sa gentillesse n'est qu'une comédie, il est quelqu'un de bien et s'offusque qu'on puisse penser le contraire. Soit, Jisung a de bonnes raisons de le prendre pour un connard, encore aujourd'hui, il aura agi comme tel avec lui. Mais... Euh.

Ses lèvres pincent pendant qu'il se creuse la tête, mais il n'y a pas de mais, il n'est juste pas le bon petit samaritain qu'il se targue d'être. Il aura fallu qu'il voit ces filles faire ce qu'il a passé tout un semestre à faire, cette occasion d'observer son comportement de l'extérieur, pour percuter l'évidence : il est même une sombre petite merde, quand il s'y met.

Il fixe son chocolat viennois sans y toucher, perturbé, et enfin, sincèrement désolé envers son client - qui attaque son cheesecake à la framboise, à mille lieues du bigbang dans la caboche de son cher oppa.

Admettre que son comportement mérite des excuses est une chose, s'excuser en est une autre, et que Jisung accepte de lui pardonner encore une autre. Par quel bout prendre ce sac de noeud, par où commencer ? Peut-être par ici :

« - Je peux te poser une question probablement conne ?

- Oui ?

- Quand tu dis que t'es trans-

- 5000 wons

- Hein ?

- Sur ce sujet là, c'est 5000 wons la question. Si t'es sûr que tu peux pas trouver ta réponse sur Naver, fais péter, je prends le cash et Paypal. » Il explique très gentiment, la bouche rose de gloss et de coulis de framboise.

« - C'est pour toi que je pose cette question, pour éviter de dire encore plus conneries que j'en ai déjà dites. » Jisung hausse les sourcils, vaguement intrigué. « Quand tu dis que t'es trans, tu veux dire que t'es une fille qui était un mec, ou... L'inverse ?

- À ton avis ? »

Il n'a pas l'air vexé, juste curieux de connaître son hypothèse.

« - ...Fiat 500 ? Pitié, si je demande, c'est parce que j'en ai aucune idée.

- FTM, female to male. »

Bien, donc il ne commettait pas de bourde en l'appelant Ji-

« - Une travelote, comme tu dis. »

Heureusement, parce qu'il a déjà largement dépassé son quota de bourdes. Pour sa défense, Minho n'a rien contre la communauté LGBTQ, pour preuve, il s'est fait deux saisons de Orange Is the New Black et soupçonne sérieusement que l'un de ses trois chats, la prunelle de ses yeux, le curry de son riz, est bisexuel. Son problème, c'est Jisung, et son allure se prête trop facilement à ce genre de vannes moisies pour qu'il s'en prive. De toute façon, il n'est pas là pour se défendre, juste pour présenter ses excuses.

« - Désolé, j'aurai jamais dû dire ça.

- C'est vrai. »

Des excuses auront autant ému leur destinataire qu'une crotte de chien sur le trottoir. C'est là que Minho estime qu'il devrait clore le sujet, de toute façon, il a eu l'information qu'il voulait. Au hasard, il passe à un autre détail qui le taraude au sujet de ce type :

« - Et... Pourquoi t'es venu à Séoul ? T'as fait le début de ta licence à Incheon, j'imagine, pourquoi t'as changé de fac en plein milieu ?

- J'avais vraiment besoin de bouger de chez mes parents.

L'autre incline la tête, enfournant une cuillerée de la crème chantilly sur son chocolat, son interlocuteur ajoute, nonchalant : « - Ils sont pas méchants, y'a juste des infos qui ont du mal à passer. J'ai commencé à muer, quand même, les gens vont commencer à croire qu'ils sont séniles s'ils continuent de parler de ''leur fille''. Je les adore, mais pour l'instant, moins on se voit, mieux on se porte tous.

- Ah, moi aussi...

- Tu mues encore ?

- Non, je comprends, le ''moins on se voit, mieux on se porte''. En soit, mes parents habitent pas si loin de la fac, mais j'avais vraiment envie de... D'indépendance. Ils sont pas méchants non plus, juste étouffants sur les bords.

- La pression pour les études ?

- Entre autres.

- T'as un appart ? » Il hoche la tête. « Chanceux, je suis en coloc'. Avec des gens cool, n'empêche... L'an dernier, mes parents m'ont jeté dans une coloc' réservées aux filles, alors bon, elles étaient adorables, mais dès que j'ai commencé à transitionner, elles ont commencé à se poser des questions. Au final, j'ai emménagé avec une pote que j'ai rencontrée ici, à Séoul. Mais je suis toujours en contact avec ces meufs, je leur dois beaucoup... Ouais. »

Ce ''ouais'' pue le non-dit, cependant, il n'insiste pas pour connaître l'histoire qu'il cache assez grossièrement.

« - Et je les ai pas mal aidées aussi. Jeter des paillettes dans la chambre de l'ex de Rosé, c'était mon idée. J'espère qu'il a toujours pas fini de nettoyer, ce chien.

- Espèce de monstre. »

C'est au tour de Jisung d'avoir une épiphanie, il s'écrie, pointant Minho de sa petite cuillère :

« - J'aurai dû foutre des paillettes dans ton sac au lieu de me faire chier avec ce plan à la con ! Mais bon, j'aurai pas mangé ce cheesecake. Je suis à deux doigts de te pardonner tes conneries tellement c'est bon.

- Combien de parts il te faut pour me pardonner ?

- C'est une invitation à un deuxième date, oppa ?

- Crève. »

✧

je crève de froid c'est terrible (dit-iel avant d'aller se faire un café glacé)