CHAPITRE 23

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« La plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu'il n'existe pas. »
Charles Baudelaire

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Ambre









Il faut sérieusement que je trouve une copine à Sofiane.

Ce mec rôde dans la maison comme un fantôme égaré, incapable de trouver le chemin de l'au-delà. Et c'est encore pire depuis qu'Isaac est à l'hôpital.

Il me colle au cul comme une sangsue affamée. Le seul moyen pour moi de le semer, c'est de me cacher dans la salle de bain.

Mais j'ai fini par me lasser d'essayer d'échapper à sa vigilance. C'est pour ça que j'ai fini par m'allonger sur le canapé alors qu'il se tient debout derrière moi, vêtu de son éternel costume. Sa chemise est si serrée contre ses biceps qu'il pourrait la faire éclater à n'importe quel instant.

— Tu veux pas au moins t'asseoir ? lui demandé-je, les yeux rivés sur Glee.

La seule série que j'arrive à regarder en boucle sans me lasser. Je trouve un certain réconfort dans cette salle de musique du lycée William McKinley.

Je n'ai jamais eu d'amitié aussi soudée. J'ai rasé les murs de mon collège pendant toute ma scolarité sans jamais me faire remarquer. J'ignorais combien de temps j'allais rester, alors pour éviter d'être blessée, j'évitais de me faire des amis que j'allais devoir quitter à cause du travail de mon père.

Au lycée, j'étais beaucoup trop occupée à réussir mes examens et à tenter d'intégrer Princeton pour me préoccuper d'avoir de la compagnie.

L'orphelinat dans lequel j'ai atterri à cause d'Andrew se trouvait dans un bled paumé à quelques kilomètres de Boston, où tout le monde se connaissait. Difficile de passer inaperçue quand on est la fille à moitié brûlée qui a débarqué du jour au lendemain.

Puis les insultes ont commencé à pleuvoir. Les mots blessants se glissaient dans mon casier comme des petits pains. Chaque jour que Dieu faisait, je me détestais un peu plus.

« Tes parents te trouvaient tellement grosse qu'ils t'ont abandonnée. »

« Personne ne veut d'un monstre comme toi dans cette ville. »

Je n'ai jamais arrêté de lire leurs mots. Parce que j'avais l'impression de mériter toute cette haine. Après tout, j'avais abandonné mes parents. J'ai survécu alors que je n'aurais pas dû.

Pendant un moment, j'ai même cru que si la balle n'avait pas transpercé mes organes, c'était uniquement parce que j'avais assez de graisse pour l'amortir. C'était stupide. Mais j'étais jeune, seule, perdue.

Je ne suis pas sûre que cela ait véritablement changé. Sous cette apparence que je me suis bâtie, je suis toujours l'adolescente esseulée qui ne sait plus comment pleurer. J'ai juste appris à mieux le cacher.

— Tu ne veux pas t'asseoir ? redemandé-je à Sofiane, qui m'a ignorée la première fois. Je vais pas te bouffer, et ça me soûle d'avoir ton ombre dans mon dos.

Il me lance un regard en biais, avant de faire le tour du canapé et de s'installer à ma droite en gardant une certaine distance.

— Tu ne vas pas aller voir Isaac à l'hôpital ? me demande-t-il en se tournant légèrement vers moi. Il s'est fait opérer hier.

J'essaie de garder une expression aussi neutre que possible, les yeux rivés sur Santana et son uniforme de cheerleader.

J'aurais pu lui rendre visite, mais je n'en ai pas eu le courage. Je ne sais pas encore pourquoi, alors je préfère ignorer la sensation désagréable qui me tord le ventre à chaque fois que je l'imagine à l'hôpital.

NémésisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant