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Yennefa.
Les mèches flamboyantes de mes cheveux flagellent dans le vent, la vitesse cogne contre mes oreilles dans un souffle agressif.
Le vrombissement de la moto se déchaîne sur la route, mes ongles s'enfoncent inconsciemment dans ses vêtements pour me raccrocher à la vie.
Les arbres défilent, le ciel inébranlable est la seule chose stable dans cette course effrénée, défiant presque la mort. Mon pouls s'accélère sans répit, la conduite de Ylass est téméraire.
Le chemin serpentin devient celui qui mène à ma maison, ce quartier familier s'étire. Une boule d'angoisse se forme dans mon ventre.
J'ai du mal à croire qu'il y a une semaine, ce lieu a vécu l'horreur. Le sang sur le parquet, un homme descendu de sang-froid. J'appréhende ce retour à la réalité, mes retrouvailles avec les parents qui me croyaient chez Maeve durant tout ce temps.
Je déglutis, laissant derrière moi ma rigidité, savourant ces dernières secondes de liberté, où le vent se brise sur mon visage telle une cataracte. La moto ralentit, son moteur s'apaise dans une vibration rauque.
Ylass oriente sa bécane vers le seuil de la maison, la faisant longer le sentier sur les derniers mètres. Le moteur se coupe, je descends doucement de la moto. Mon ventre me fait encore terriblement souffrir, je retire le casque et le lui tends.
Le brun aux boucles sombres me scrute, son regard épouse chacun de mes traits.
— Garde-le pour la prochaine fois, il m'indique sans même tendre la main.
Je m'interloque, surprise par sa réponse.
— Qu'est-ce qui te fait croire qu'il y aura une prochaine fois ? rétorqué-je, avec une ironie contenue.
Il étire un léger sourire en coin, ses fossettes se creusent sur sa mâchoire anguleuse.
— Ne fais pas comme si tu n'aimais pas ça, réplique-t-il, en jetant un coup d'œil à son imposante moto.
Je dissimule un rictus sincère, sans doute l'un des premiers depuis notre rencontre. Un éclat véritable, où toute l'amertume s'est dissipée, balayée par le vent.
Je décide de positionner le casque sous mon bras, contre ma taille. Ylass m'arbore, ses iris teintés sont pleins de subtilité. L'oxygène se meurt l'espace d'une fraction de seconde, aucun de nous ne décide de briser ce nuage de verre.
Hier soir, l'atmosphère a complètement changé. Après ce moment où une crise lui est survenue, chaque geste et regard est désormais empreint d'une certaine complicité.
Ylass se racle la gorge, humectant ses lèvres charnues.
— Idi kući, prononce-t-il en croate.
Trad : Rentre chez toi.
Je le laisse derrière moi et avance avec détermination vers la porte d'entrée, un frisson sinueux serpente le long de ma colonne vertébrale.
Lorsque j'atteins le seuil, mes oreilles captent le grondement lointain de la moto qui s'élance à toute allure, emportant Ylass loin de moi. Cette fois, je n'ai aucune idée de la durée de son absence.
Allons-nous redevenir des inconnus ?
Mes doigts s'enroulent autour de la poignée en métal, sa froideur lacère ma peau tandis qu'un soupçon d'appréhension germe à l'idée d'entrer dans cette maison.
Des réminiscences sombres se bousculent dans mon esprit, des visions incisives me hantent, telles des lames qui ébrouent mon cœur. Je cligne des yeux à plusieurs reprises, tentant désespérément de repousser ces images étouffantes.

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UNFAIRNESS
General FictionDans une ville où la forêt s'impose, des atrocités sommeillent, enterrées entre la terre et les ronces. 𝐘𝐞𝐧𝐧𝐞𝐟𝐚 𝐂𝐨𝐰𝐞𝐥𝐥, une âme tourmentée, s'efforce de fuir ses blessures. Parmi ses souvenirs douloureux, celui d'une nuit tragique : le...