THOSE WE LOST

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟕

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goodbye - Billie Eilish

KAITH

Je ne sais même pas où j'ai pu trouver la force de rentrer chez moi.

La pluie torrentielle qui a commencé à tomber quelques secondes après la fracassante révélation de Lilith a presque suffi à me convaincre de me laisser crever sur le sol. Près de ce muret qui empestait encore la gerbe.

Après tout, que je meure ce soir n'aurait pas changé grand-chose, j'aurais même pu servir de dîner aux rats qui passaient par là et faire des heureux, même si ce n'est clairement pas la manière la plus classe de finir ses jours.

Le pire scénario que j'avais imaginé en me rendant devant ce café était que Lilith soit une folle. Le genre qui ramasse le moindre déchet que je laisse derrière moi pour le collectionner, parce que j'ai échangé un regard avec elle une fois lors d'une soirée. C'était plutôt prétentieux comme idée, mais à mes yeux, c'était aussi la plus plausible.

Peut-être que j'essayais de me rassurer. Parce qu'une obsessionnelle plutôt mignonne qui me suit, c'est toujours moins terrible qu'une psychopathe qui rêve de me découper pour se servir de mon fémur en décoration de salon. Mais finalement, cette proposition là est presque plus enviable, avec le recul.

Lilith est bien pire que ça.

Elle porte le prénom d'une femme démon, et son objectif était sans aucun doute de me rappeler que les miens ne me quitteront jamais.

Même avec l'esprit embrumé, je me rappelle encore de cette lueur dans ses yeux. Elle était pleine de rage, de colère, prête à faire ce qu'il fallait pour que je paie ce que j'ai fait.

Du moins, ce qu'elle pense que j'ai fait.

Elle était si énervée que je n'ai même pas réussi à ouvrir la bouche pour autre chose que rendre le contenu de mon estomac.

Lilith pense que je suis coupable, que j'ai poussé Ava au suicide. Comme si le fait que je m'en persuade depuis des mois ne suffisait pas, elle est venue me mettre sous le nez cette vérité gerbante: je n'ai pas été capable de l'en empêcher. Et au final, ça fait de moi le plus gros connard de cette histoire.

Allongé dans ma baignoire, je fixe le miroir à quelques mètres de moi.

Son ombre se dessine dans l'obscurité du reflet et elle regarde dans ma direction sans me quitter des yeux une seule seconde. Cette petite bataille de regards a commencé il y a une, peut-être deux heures. Mon dos contre la faïence me fait mal, mes vêtements encore trempés me donnent froid, mon esprit est complètement dans le cirage.

À cet instant, regarder le reflet d'Ava dans ce miroir est la seule chose qui m'empêche de boire ou de prendre des substances pour oublier cette soirée.

Elle ne m'a laissé aucun répit, et elle m'épie depuis la seconde même où je suis entré dans la pièce. C'est ironique de penser qu'elle et sa meilleure amie ont au moins ça en commun: m'observer.

Pendant un instant de lucidité, alors que je me traînais dans la rue sous la pluie pour rentrer chez moi, je me suis dit qu'elle serait forcément là, et c'est comme si je l'avais appelé moi-même. Ses cheveux blonds tombent sur ses épaules, ses joues sont roses, elle est exactement comme le dernier souvenir que j'ai d'elle. À l'exception de ses yeux vides. Ses pupilles bleues sont rivées vers moi sans aucune expression malgré le fait qu'un léger sourire remonte le coin de ses lèvres.

– Pourquoi t'es toujours là, hein ? je murmure.

Ses sourcils se froncent légèrement sans qu'elle ne retire ce rictus de son visage angélique.