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Black Out Days - PhantogramKAITH
On m'observe.
Je sais que l'alcool et la drogue peuvent rendre parano, j'en ai fait l'expérience plus d'une fois au cours de ma pitoyable existence.
Mais là, c'est différent. Je le sens.
Cette sensation qui parcourt le moindre centimètre de mon épiderme, qui me tient en alerte malgré les nombreux verres d'alcool qui courent dans mes veines. Avec tout ce monde, je suis incapable de déterminer qui, mais dans la foule, il y a une personne qui ne me quitte pas des yeux, qui me suit, me traque comme un prédateur.
D'habitude, je suis celui qui regarde – même si je me rappelle rarement du visage des filles que je mate à la fin de la soirée — et bordel, je déteste quand les rôles sont inversés. J'ai beau essayer de faire comme si je ne me rendais compte de rien, ma peau se couvre d'électricité à chaque fois que je quitte les toilettes. C'est le seul endroit dans cette putain de boîte de nuit où je ne sens pas cette paire d'yeux constamment posée sur moi, alors je m'y réfugie à chaque fois que je trouve un prétexte pour le faire.
Cet espion à la con ne me fait pas peur, et je déteste l'idée qu'il puisse le penser en me voyant me cacher comme un enfant derrière les jambes de sa mère. Non, j'exècre juste de me sentir examiné, surveillé sous la moindre couture en attendant que je fasse un faux pas.
Le grand barbu dans le ciel le fait déjà, c'est son taff, après tout. Ce qui est sur, c'est que s'il existe vraiment, je suis dans la merde jusqu'au cou; une fois que mon heure aura sonné, je ne dois pas m'attendre à monter le rejoindre.
Ça ne m'angoisse pas, c'est beaucoup plus simple à vivre une fois que l'on s'y est résigné.
Mais cette personne, là dehors, au milieu de tous ces autres gens en train de se bourrer la gueule et de chercher quelqu'un avec qui forniquer à la fin de la soirée, n'est pas le Grand Créateur, et ça commence à me les briser qu'il pense avoir le pouvoir de poser ses yeux sur moi comme si chacun de mes gestes lui appartenait.
La musique fait trembler les murs des toilettes. Je me demande comment ils tiennent encore; à chaque fois que je viens ici, j'ai l'impression qu'ils vont s'effondrer à cause des basses. Ce serait dommage de devoir tout refaire à cause d'une playlist aussi médiocre, ceci dit. Le DJ est plus proche de l'animateur de soirée bridge que de David Guetta, je ne sais pas ce que Zale lui trouve. C'est lui qui insiste toujours pour me traîner dans ce club pourri.
Je me passe un coup d'eau sur le visage pour me rafraîchir les idées. Je ne sais pas combien de verres j'ai pu boire ce soir, mais je sens que mon compte en banque fera la gueule demain matin. Tout comme ce qui se trouve à l'intérieur de ma boite crânienne. J'ai déjà la tête en vrac à cause de la soirée de la veille, j'ai été con d'accepter de suivre mon pote ici.
Mais tout est mieux que de rester chez moi à ruminer. Ces prochains jours, toutes les soirées moyennes vaudront le coup si elles peuvent m'empêcher de penser à son anniversaire.
La lumière vacille, et l'espace d'une seconde, j'ai l'impression de voir sa silhouette se dessiner derrière moi dans le miroir.
C'est courant, mais je déteste quand ça arrive.
Peut-être que finalement, c'est elle qui m'observe. Peut-être que je suis en train de devenir fou, que la drogue a fini par casser quelque chose dans mon cerveau.
— Casse-toi, je murmure à son reflet.
Mes phalanges entourent la céramique jaunie par le temps. Ouais, cette soirée est vraiment merdique, j'aurais mieux fait d'aller trainer dans un bar miteux de ma rue, j'aurais sans doute évité une migraine, un trou dans mon porte monnaie et de me faire voler mon dernier paquet de clopes. Je n'aime pas aller racheter de ces merdes, mais j'en ai besoin, surtout ces derniers temps.

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THOSE WE LOST
RomanceLes seules choses immuables dans l'existence de quiconque sont la naissance et la mort. Tout ce qui se produit entre ces deux événements n'est que le fruit de décisions, et Lilith en a prise une de la plus haute importance: Elle veut le faire payer...