UNFAIRNESS

.26. Sauvez-moi

☾

Yennefa.

Bam.

Ce bruit effroyable éclate dans mon esprit. Le sifflement de la balle achève son œuvre funèbre. Les larmes fendent mes lèvres, me laissant un goût de fer : celui du sang.

Je décolle mes paumes tremblantes du sol, bien trop affaiblie pour esquisser le moindre geste. Mes yeux sont péniblement entrouverts, je lutte pour distinguer la silhouette de Ylass.

Le brun se précipite vers moi, puis s'accroupit. Mon dos, agglutiné contre le mur, me fait terriblement souffrir.

Chaque parcelle de mon corps hurle de douleur, je suis immobilisée dans un état d'inertie. Mais je ne ressens aucune anxiété.

J'ai la sensation étrange d'être un automate, vidée de toutes mes émotions. Seul un abîme, s'étendant peu à peu dans mon âme, trouble mes pensées.

Soudain, mes yeux se heurtent aux iris bleus de Ylass. Il m'observe, son souffle près du mien. Je remarque que quelque chose ne va pas dans son expression.

Ylass, qui vient d'abattre de sang-froid un homme, semble désormais envahi par une peur palpable. Je fais glisser mon regard, voyant ses lèvres s'agiter frénétiquement, mais les mots se perdent dans un silence oppressant que je peine à traverser.

Tout ce que je sais, c'est qu'une abominable douleur dans le bas de mon abdomen devient insoutenable pour mon corps fébrile.

La sensation qu'un instrument de torture est en train de déchirer mes organes me fait tendre l'échine. Ylass, empreint d'une urgence désespérée, plaque sa main à l'endroit précis où la douleur me lance.

Je bats des cils, confuse. Je rassemble toutes mes forces et baisse les yeux, cherchant à voir l'étendue de ma souffrance.

Lorsque mes paupières bougent et s'abandonnent à une vue plongeante sur mon ventre, une alarme vibre dans tous les recoins de mon cerveau.

Le cœur au bord des lèvres, je découvre une sinistre mare de sang qui s'étale lentement sur mon ventre et mes cuisses. Chaque goutte témoigne de mon récit poignant, révélant toute ma vulnérabilité.

La réalité se fissure autour de moi ; l'horreur qui se diffuse dans mon corps me montre que mon heure est venue. Mon souffle s'accélère, et mes émotions reviennent à moi, déclenchées par cette vision horrifique.

La main de Ylass se presse davantage sur ma plaie, imbibée de mon hémoglobine sombre, symbole cruel de notre souffrance partagée.

Soudain, ses doigts saisissent le dessous de mon menton, exigeant que mon regard se plonge dans le sien. La bulle de silence qui menace de m'arracher la vie est suspendue dans le temps.

Mais elle se brise dès lors que je découvre ses yeux, brillants de larmes qu'il retient avec une détermination tragique. Il s'efforce de cacher ces parts de lui, mais sa terreur éclate au grand jour, révélant une humanité profonde.

Un Ylass que je ne connais pas.

—  Reste avec moi, je t'interdis de partir,  murmure-t-il, la voix instable.

Le timbre qu'il emploie brise mes derniers espoirs de rester en vie.

Agonisante, je suis incapable de détacher mon regard du sien. Les bouts de mes doigts deviennent glacés, signe que je perds du sang à une vitesse mortelle.

Un frisson me saisit, et mes dents se mettent à claquer. Devant l'urgence de ma situation, il retire sa main de ma plaie pour ôter son pull.

— Je sais que ce n'est pas confortable... mais tu vas devoir t'allonger,  me dit-il sur un ton grave, mêlant inquiétude et douceur contradictoires.