.24. L'art est un exutoire

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Yennefa.

Je ne suis jamais montée sur une moto.

Les cylindres d'acier tournent sur eux-mêmes, et la machine accroît son allure sur les routes gorgées de rameaux.

Le vent siffle entre mes mèches échappées de mon casque, tandis que mes yeux papillonnent en quête éperdue d'un équilibre visuel.

Les battements de mon cœur sont emportés, et l'adrénaline s'insinue en moi dans un tumulte désordonné.

Les mains posées contre le ventre de Ylass, je m'efforce de maintenir une distance minimale avec lui. À cause de la vélocité, mes ongles s'enfoncent à travers son haut.

Ce geste m'arrache un sentiment de honte muette. Je déglutis avec peine, l'engin gronde sans relâche contre l'asphalte. Les mètres défilent, Ylass délaisse les routes de Shatwood.

Les arbres défilent, ils ne sont qu'une vague de floue. Je prends conscience que la voie que nous empruntons ne m'évoque rien, je hoche la tête avec frénésie, tâchant de discerner quelques détails de cette allée étrangère.

Mais rien. Le goût de la liberté ne m'est pas familier, c'est comme si cette traversée me purgeait de tous mes maux.

Le sentiment que j'éprouve sur cette moto est spécial, dompté par l'excitation de l'inconnu.

C'est agréable.

Les minutes s'égrenèrent, le brun fonce sur une artère principale, la moto vrombit et s'engage sur une veine plus sombre lorsque Ylass oblique à droite.

La rue est étroite, bordée de trottoirs qui informent l'entrée d'une agglomération. Seuls les phares éclairent quelques maigres mètres devant nous.

La moto perd de son allure doucement et le moteur se coupe. Ylass se redresse, m'indiquant que nous sommes arrivés.

Mais où, exactement ?

Je décolle mes paumes de son abdomen et descends de sa moto, veillant à ne pas perdre l'équilibre.

Ylass saisit le casque que je lui tends et l'accroche à la place passagère avec un antivol. Je le toise, incrédule.

— Je peux savoir ce qu'on fait ici ? je débute en dévisageant les alentours.

Ylass plonge ses mains dans ses poches et me sonde avec minutie. Il esquisse un sourire en coin, faisant apparaître l'une de ses fossettes facétieuses.

— Reste derrière moi, on ne sait jamais si le propriétaire est là, il lance en se détournant.

Le brun se met en marche vers le trottoir d'en face, là où trône un édifice ténébreux.

Je le suis de quelques pas mais reste derrière,  hésitante.

— Tu es en train de me dire que tu vas entrer par effraction ? je m'écrie, à moitié abasourdie.

Ylass s'arrête et tourne légèrement la tête vers moi.

— Disons que le propriétaire n'aime pas qu'on invite des inconnus, il répond-il d'un ton désinvolte.

Mes bras retombent le long de mes hanches, ahurie par son comportement incorrigible.

— Je ne rentrerai pas, clamé-je avec fermeté.

Il marque un silence et s'approche de moi. Ses iris glaciaux plongent dans les miens dans une intensité féroce.

Je rabats un pied en arrière, déstabilisée par sa présence.

UNFAIRNESSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant