UNFAIRNESS

.20. Vaincre ses peurs

☾

Yennefa.

Je plisse les yeux, ma rétine s'habitue à la lumière blafarde de la pièce.

— Je ne jouerai pas, articulé-je en le toisant, une grimace sur mon visage.

Ses lèvres jointes s'élèvent sur le côté de sa bouche charnue, un geste particulièrement caustique.

Ylass progresse vers moi, sa démarche devenant altière. Il me tend un bâton de billard, le regard glaçant.

— Laisse-moi deviner... Tu as peur de perdre contre moi ? murmure-t-il, ses mots épris d'une tranquillité et d'une ironie palpable. Je peux être indulgent si tu me le demandes.

Le malaise qui enflamme mon corps ne tarde pas à devenir incommode. Cette fielleuse rancune, et tous les ressentiments que je ressens, refont surface.

D'une certaine façon, mon orgueil s'éveille, épris par la provocation de Ylass. Ma gorge se serre, je maintiens son regard, dur comme fer.

Mes mâchoires se serrent, je déteste qu'on me sous-estime.

— Ton jeu est malsain, tu te comportes comme un gamin. Jouer pour avoir des réponses, sérieusement ? Tu n'avais pas une idée plus débile, par hasard ? j'expulse un rire nerveux.

Je happe d'un geste vif le bâton, en veillant à rester loin de sa main. Il articule un rictus à la dérobée, puis s'éloigne.

— C'est si facile de t'atteindre, Yennefa.

La prononciation de mon prénom entre ses lèvres me fait ravaler ma salive, un mécanisme automatique alors que je lui lance un regard noir.

J'approche du billard dont la lumière chancelle au-dessus du centre, hésitante.

— Explique-moi les règles pour qu'on en finisse.

Ylass fait le tour sans me répondre. Il se tient en face de moi, la lumière contrastant avec l'éclat bleuté de ses iris.

— Tu empoches les billes pleines et je prendrai les rayées, il débute en humectant sa lèvre. Lorsque tu les as toutes, tu t'empares de la noire.

J'étudie le terrain en face de moi, évitant d'alimenter la conversation avec lui.

Ses bras épais reposent contre le rebord, me donnant l'occasion d'arpenter du regard ses veines saillantes. Ylass est absorbé, et sans attendre, il casse en assénant un coup vigoureux sur les billes. 

Le son est fracassant, j'avance vers la table, repérant celles qui sont pleines. Je tente de me positionner correctement pour avoir une prise ferme sur le bâton de billard.

Mes sens sont en alerte, j'entends que ses pas se rapprochent de moi, il contourne la table.

Ma langue claque contre mon palais, tandis que l'incertitude de mes mouvements trahit mon hésitation.

Alors que j'essaye de me concentrer sur une bille en particulier, je ne peux m'empêcher de sentir sa présence dans mon dos, son parfum résineux me retient.

Le brasier de son corps évoque une flamme inexorable, tapie derrière mon échine. Je suis penchée contre le billard, heurtant la première bille, empreinte de hasard.

Mais à mon plus grand désespoir, je découvre qu'elle n'a presque pas bougé.

—  Je vais gagner si vite, articule-t-il fier, toujours derrière moi.

Mes mâchoires se contractent, je regrette amèrement d'avoir accepté ce jeu.

—   Je suis désavantagée.