5. Les naufragés

69 20 68
                                    

Je jetai un peu d'écorce de saule dans un chaudron de cuivre, j'y rajoutai un peu de miel et quelques morceaux de gingembre.

La préparation devrait infuser quelques heures pour être efficace.

Mon regard se porta vers les lits qui avaient été dressés à la hâte dans la pièce qui jouxtait mon laboratoire.

Le soleil y entrait à flots par la fenêtre ronde qu'encadrait un lierre sauvage.

Des flacons de toutes les couleurs étaient alignés sur les étagères. Je pouvais y retrouver le fruit de mes récoltes. La menthe accrochée sur un clou diffusait ses effluves poivrées dans la pièce en se mélangeant aux fragrances des autres plantes qui séchaient avant d'être conditionnées dans des petits sachets de tulle.

Des récipients de toutes sortes jonchaient le sol de dalle de granit dans un joyeux capharnaüm. Une passiflore avait réussi à se faire un chemin dans un interstice du mur et venait s'épanouir au plafond comme elle l'aurait fait dans une serre.

Ses fleurs blanches se balançaient dans la brise qui soufflait à travers la fenêtre entrebâillée.

Cet endroit m'avait toujours apaisé. Il y régnait le silence, seulement perturbé par le bruit des griffes de Llyr qui se promenait sur les étagères de bois à la recherche d'une friandise.

Mais aujourd'hui tout était différent.

Suite à mon appel à l'aide, Jimin m'avait rejoint accompagné de Beathan et de Yoongi. Nous avions trouvé à l'abri des rochers deux autres hommes échoués.

Nous les avions ramenés dans ma demeure pour leur apporter des soins.

Le jeune homme à qui j'avais donné à boire n'avait pas encore repris connaissance.

L'un de ses compagnons avait eu la jambe brisée et une cheville foulée.

J'avais dû réduire sa fracture pour ensuite immobiliser ses membres entre deux planches de noisetier.

Il n'avait eu le temps que de nous donner son nom avant de s'évanouir de douleur.

Le troisième homme ne portait pas de blessures apparentes, cependant il n'avait pas dit un mot depuis son réveil sur la plage. Il était assis sur sa couche, les jambes relevées contre son torse en se balançant d'avant en arrière.

Son regard me fuyait quand je m'approchai pour lui tendre un gobelet d'étain qui contenait une infusion de camomille et de millepertuis.

J'espérais que la tisane puisse réguler la panique que je sentais poindre en lui.

Il prit la tasse et la porta à ses lèvres craquelées sans relever les yeux vers moi.

- Reposez-vous, lui murmurai-je doucement en lui posant la main sur l'épaule pour l'enjoindre à s'allonger.

Il sursauta violemment comme si je l'avais brûlé.

- Je ne vous ferai pas de mal, je veux juste vous aider, continuais-je.

Je vis son expression changer. Il fixait le drap de lin sur lequel il était assis.

Je reculai pour lui signifier qu'il n'avait rien à craindre.

Il finit par se détourner et par s'allonger en position fœtale, dos à moi.

Je récupérai la tasse qu'il avait posée près de lui avec un soupir et m'éloignai.

Je ne savais pas qui étaient ces hommes, mais ils portaient en eux quelque chose qui me faisait frissonner de peur. Je sentais leur souffrance fondre sur moi comme une seconde peau.

฿ɆⱤłɎ₳ Where stories live. Discover now