Némésis

CHAPITRE 16

« Nous sommes tous des requins tournant en rond, en attendant que des gouttes de sang apparaissent dans l'eau. »

Alan Clark

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Ambre

Si j'avais su que suivre Evan serait aussi intensif, je serais allée pisser depuis un moment, parce que ma vessie est sur le point d'exploser et monsieur est entré dans l'une des salles VIP du Lotus, depuis déjà deux heures, en compagnie du seul et unique Baine Fernandez, a.k.a. Le Faucheur.

L'homme à la tête du plus grand réseau criminel de Colombie. Sous ses airs d'homme d'affaires, il fricote dans l'illégalité en toute impunité.

Des rumeurs circulent selon lesquelles il ferait chanter son propre président. Et si vous voulez mon avis, je ne pense pas que cela soit uniquement le fruit de ragots colportés par le vent. Baine a le bras long. Assez pour vous étrangler sans que vous n'ayez le temps de vous en rendre compte... Assez pour marchander avec Seto sans avoir jamais eu aucun problème avec la loi durant ces onze dernières années.

Sur le papier, la totalité des transactions est légale, mais si on regarde de plus près les subtilités que cachent leurs affaires, on se rend vite compte que la limite entre business et trafic est aussi fine que la feuille qui leur permet de rouler leur conso. C'est bien connu, tout cela dépend du prisme à travers lequel on regarde le monde. Et même munie d'un microscope, impossible de trouver la faille qui les fera tomber.

Du moins, pour l'instant.
J'attendrai l'erreur qui leur sera fatale, autant que nécessaire.

Depuis que je suis devenue la femme d'Isaac, je jouis de privilèges auxquels je n'aurais jamais pu avoir accès autrement. Avoir la clé de la totalité des chambres privées du Lotus pour y cacher des mouchards n'aurait jamais été possible sans porter le nom de McGuire. Et le fait que cet endroit lui appartienne n'est qu'un avantage supplémentaire pour mes investigations.

Il a suffi d'un simple coup de fil de la part d'Isaac au directeur pour me permettre d'y entrer sans que personne ne me pose la moindre question.

La vie de jeune mariée peut être compliquée, surtout au début, et je suppose que dans l'esprit de ces gens trop friqués, prendre du bon temps avec quelques strip-teaseurs n'est pas vraiment le ragot du siècle.

Je me suis installée au bar, dans un coin légèrement reculé de la boîte de nuit, mais le chaos qui fait rage autour de moi camoufle presque entièrement les bribes de conversation que se partagent Evan et son compagnon.

— Je ne peux pas vous en offrir plus. Cinq millions, c'est mon dernier mot.

Une seconde voix s'élève dans un ricanement, et je dois faire preuve d'une concentration sans faille pour réussir à distinguer leurs deux tons. J'aurais préféré qu'ils choisissent un lieu plus calme pour leur échange, mais ils savent que c'est lorsqu'ils sont exposés à la vue de tous que personne ne fait attention à eux.

C'est au milieu de la foule que l'on passe inaperçu et ils l'ont très bien comprit.

« Plus c'est gros, plus ça passe », un vieux dicton qui ne m'a jamais paru aussi réel que dans ce milieu bourré de trafiquants.

— Vous êtes sacrément culottés, vous les gringos. Vous avez trois semaines de retard sur la précédente livraison et vous osez demander plus ? Je crois que je n'ai pas été assez clair.

Une minute passe durant laquelle je n'entends plus rien, mais je suppose aisément que Le Faucheur a sorti son arme pour menacer Evan, car la respiration erratique qui se fait entendre de l'autre coté de mes écouteurs ne laisse que peu de doutes sur la terreur de celui qui en est à l'origine.