.13. La double manipulation

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Yennefa.

Je ne respire plus.

Mes pas sont animés d'une pulsion instinctive, je marche en titubant.

Le long corridor pâle se déploie face à moi, Isa accélère en s'enfonçant, l'air affolée. Elle n'hésite pas à bousculer les médecins sur son passage, totalement désorientée.

Tout se passe au ralenti.

Les gens à nos côtés sont figés dans le temps, les cheveux bruns de Isa s'élèvent à peine dans l'air.

J'essaie de suivre le mouvement, ma respiration devient peu à peu bruyante.

Le temps ne passe pas, la nouvelle ne se digère pas et reste bloquée dans mon ventre.

Mes lèvres entrouvertes suffisent à alimenter mon corps, comme par réflexe, tandis que mon esprit se regorge de pensées.

Je ne suis plus moi-même, transportée par mes membres dans une agonie pesante.

Elle est dans le coma.

Ces mots résonnent en boucle sur une tonalité stoïque. La réalité consume lentement mon énergie.

Je refuse d'accepter ce fait.

Le cœur lourd, j'emboîte toujours le pas de la mère de famille.

Une boule d'angoisse se loge au creux de ma poitrine.

Le couloir à l'odeur antiseptique est interminable, les secondes s'étirent dans une lenteur calculée.

L'image du corps ensanglanté de Hailey déchire mon myocarde. Lorsque Isa se retourne finalement vers moi, elle me dévoile un visage ravagé de larmes salées.

Mais malgré cela, elle tente de paraître calme.

― Tu... es prête ? elle bafouille, la voix affaiblie par l'émotion.

Je secoue la tête, sonnée, incapable d'émettre une réponse.

Isa se détourne alors et enroule sa main autour de la poignée métallique.

La porte coulisse, elle prend ses précautions. J'avale péniblement ma salive en découvrant la chambre blanche.

Mes yeux se plissent, cherchant à s'adapter à la lumière.

Un lit d'hôpital se dresse.

Vêtue d'une blouse pâle, Hailey repose là. Des fils serpentent de ses bras et de son nez, se connectant à des machines qui luttent pour la maintenir en vie.

Une partie de son visage est enveloppée d'un bandage épais. Isa pousse un cri déchirant en se précipitant vers elle.

Son bras est immobilisé dans une attelle et la scène se présente comme troublante. La vision de mon amie est insoutenable, chaque détail vole un peu de mon souffle.

La mère éclate en sanglots et s'écroule aux pieds de sa fille.

Mes oreilles sifflent, je distingue Rod, assis au chevet de Hailey. Son expression alourdit encore plus l'atmosphère. Mes paupières s'inondent de larmes, rien ne les retient.

Je suis coupable.

Viens t'asseoir, me propose-t-il en tirant une chaise près de lui.

Je n'ose pas regarder Hailey plus longtemps.

Mon attention cascade sur mes chaussures encore pleines de boue, essayant de me faire la plus discrète possible tandis que je m'assois à ses côtés.

UNFAIRNESSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant