UNFAIRNESS

.07. Un coup d'avance

☾

Yennefa.

Le froid mord l'extrémité de mes doigts, les laissant s'engourdir sans répit. Je presse le téléphone contre mon oreille, sentant l'écran glacé se mêler à la chaleur humaine de ma peau.

Au fond de moi, j'attends une réponse, un son qui puisse me redonner de l'espoir. Tandis que la sonnerie du téléphone se propage dans l'air comme un silence muet,  je jette un coup d'œil aux fenêtres.

Rod est à l'intérieur, je distingue sa silhouette à travers la vitre feutrée. Dès lors que je détourne mon regard, je m'agrippe à ma veste, observant le nuage qui s'échappe de mes lèvres. 

Lorsque nous étions dans la voiture, sur le chemin du retour,  je lui ai affirmé que je passerais la soirée autre part.

C'est alors que je me retrouve à prier de toutes mes forces pour que Nath décroche, mon unique lueur d'espoir dans ce tournant noir que prend ma vie, et celle de Hailey.

Mon cœur cogne au rythme du son, et ce n'est qu'à la quatrième sonnerie stridente que l'interlocuteur répond. Je retiens mon souffle, réfléchissant rapidement à ce que je vais dire.   

— Nath, débuté-je, à bout de forces.

Comme si l'adrénaline se diffusait dans mes veines, le timbre de ma voix me trahit à l'instant où les lettres de son prénom franchissent mes lèvres.

La tension se fait plus vive, l'oxygène même chargé d'une incompréhension implacable.

– Yennefa ? rétorque-t-il, une teinte de confusion dans cet appel tardif.

Je glisse ma langue sur ma lèvre inférieure, tentant de calmer mon pouls erratique.

– J'ai besoin de ton aide, Nath. Vraiment, formulé-je, passant une main incertaine dans mes cheveux cuivrés.

Je parle gravement, prenant une intonation lourde de véracité que je n'ose pas affronter du regard. Une boule lacère ma gorge, lamentablement.

J'attends une réponse.

Un souffle. Un mot.   

– De quoi as-tu besoin ? me répond-il, semblant réfléchir de son côté.

J'ai l'impression d'être une hors-la-loi, de faire quelque chose qui n'a pas lieu d'être. Et pourtant, je n'arrive pas à me convaincre de ne pas céder à la tentation.

Alors je rassemble tout le courage qui sommeille en moi, dans chaque parcelle de mon corps, et je m'élance.

– Tu penses être capable de me donner l'accès à un téléphone que j'ai sur moi. Ce soir ?

Je sens que Nath marque une réflexion, comme si son souffle s'était coupé et qu'il avait oublié de respirer l'espace d'une fraction de seconde.

– Qu'est-ce que tu essaies de me dire... ? Il réplique presque sur la défensive.

– Dis-moi que tu peux le faire, Nath.   

Je ne cherche pas à comprendre ses mœurs, j'ai seulement besoin d'une réponse. Tant que l'adrénaline coulera en moi, rien n'entravera ma quête de vérité. À commencer par ce téléphone.

– Écoute, je ne sais pas ce que tu cherches à faire, mais sache que c'est carrément illégal. Je peux compromettre ce téléphone, oui. Mais je ne contribuerai pas à des actions qui peuvent me mettre en danger. Et te mettre en danger, il ajoute sans faiblir.

Je perds tous mes moyens, faisant plusieurs tours sur moi-même dans la pénombre de la nuit.

– Et si je te disais que c'est pour la sécurité de quelqu'un ? je poursuis. Nath, je sais que ce que je te demande est dangereux... Mais je dois entrer dans ce téléphone.