T.I | .𝙿𝚁𝙾𝙻𝙾𝙶𝚄𝙴.

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Caroline du Nord. Shatwood.
17 octobre 2020.



L'injustice.

Tel est le sentiment répugnant qui corsète mon âme depuis ma venue dans ce monde.

– Reviens ici ! vocifère la voix disgracieuse de ma génitrice.

Les pulsations erratiques de mon cœur se hissent à mes lèvres, tambourinant contre ma cage thoracique, comme un oiseau piégé entre des filets.

La crainte gère mes balancements hasardeux tandis que je me précipite vers la porte d'entrée. Mes doigts chancellent, s'agrippant à la poignée en métal avec empressement.

– Je dois te les couper ! elle hurle avec une obstination qui fait vriller mes viscères.

Mon téléphone enserré dans ma main moite, je m'élance à toute vitesse dans le couloir de notre bâtisse, mes pas battant le sol sous l'emprise de l'urgence.

Ma respiration haletante se mélange au tremblement frénétique de mes jambes, attestant de l'adrénaline qui se diffuse dans mes veines.

–  Laisse-moi tranquille !, m'écrié-je, la voix brisée, en jetant un coup d'œil découragé par-dessus mon angle d'épaule.

À quelques mètres de mon dos, ma mère se lance à ma poursuite, agitant son perpétuel ciseau, cet outil sinistre qui est la raison de mes cauchemars.

Soudainement, sa voix se déchire dans l'air en un hurlement d'accusation.

–  TU AS SES CHEVEUX !, se brise-t-elle, anéantie par cette vision d'horreur.

Elle s'immobilise au sommet des marches que je dégringole à toute allure. Ses sanglots éclatent brusquement, devenant attristants. Ils retentissent dans le vide accablant de l'escalier.

Un frisson froid sinue le long de ma colonne, je déglutis pour essayer de le faire disparaître. Lorsque je parviens enfin au seuil de la porte d'entrée, j'emboite mes écouteurs filaires dans mes oreilles avant d'immerger à l'extérieur.

Dehors, sous la pluie battante, j'enfonce mes mains grelottantes dans les poches de mon gilet délavé.

J'inspire une dense bouffée d'air tandis que mes pieds errent sur l'asphalte aqueux, mes pas ambulants me conduisant instinctivement à la forêt.

Les gouttes de pluie renforcent le fardeau de mes réminiscences ténébreuses.

Dès ma naissance, cette vie catastrophique de disputes et de violence alimente mon quotidien. Vivre sous le toit de ma mère est un calvaire. Je me contente seulement de survivre dans l'ombre.

En contractant ma mâchoire, je lève mon regard afin de parvenir à la vallée. Le chemin étant imprimé dans mon esprit, je maintiens ma marche entre les feuilles et les rameaux glissants.

Les arbres, imposants et robustes, sont spectateurs pour une unième fois de mon malheur. En parcourant la courte voie boueuse, je m'arrête entre les deux arbres familiers.

Là, entre eux, un siège improvisé m'attend. Un tronc coupé à l'horizontale, aminci par le temps et mes chagrins, s'étend entre ces deux plantes.

À chaque fois que ma mère explose et que sa folie me rejette, mes pas me ramènent à cette place. Tandis que mes épaules s'affaissent par la mélancolie, mes pensées se noient dans les catacombes de mon esprit.

Je suis née d'un cauchemar.

Ma mère, porteuse du viol de mon géniteur, trouve dans l'alcool un exutoire à sa souffrance. Sa haine, ses coups, tout m'est voué.

Et moi je garde, comme une étiquette, mes cheveux roux qui sont une traces incontestables de cet homme.

Une larme, solitaire, roule le long de ma joue. Je l'efface d'un mouvement vif, presque humiliant.

Pour oublier, ne serait-ce qu'un instant de ma vie, j'augmente drastiquement le volume de la musique dans mes écouteurs.

Je veux fuir ce monde, juste quelques minutes.


***



Mes baskets imbibées de pluie à la main, je franchis lentement la porte de l'appartement. Je prie, implore que le silence règne entre ces murs, et que ma mère soit calmée.

Mais à peine ai-je fait un pas à l'intérieur, que l'inimaginable s'affirme face à moi. Je retiens un hoquet de surprise, mes organes se déversant dans mon corps.

Une mare de sang s'étale sur le parquet, sinistre et macabre. Au centre de cet étang d'hémoglobine, ma génitrice y nage, le ciseau enraciné dans sa gorge.

Je plaque brutalement une main sur ma bouche, aucun son ne provenant de mes cordes vocales.

La gorge bouleversée et les jambes frémissantes, je me force à fixer le sol en comprenant le traumatisme douloureux qui m'attend.

Mes genoux sont les premiers à heurter le sol en bois, tandis que j'arrache mes écouteurs. J'essaie de respirer, la musique jouant encore, mais chaque inspiration est un scalpel, un martyre.

Il me suffit de millisecondes plus tard pour que des gouttes se manifestent sur le parquet.

Et ce n'est qu'à cet instant que j'aperçois mes irrépressibles larmes chaudes qui se répandent sur le plancher.

Les larmes d'une pauvre orpheline.





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Lectrices, Lecteurs.

Ce prologue, qui introduit mon livre, vous a-t-il plu ? En espérant qu'il vous plonge pleinement dans l'ambiance.

UNFAIRNESSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant