𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟑

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˚ L'amitié est la similitude des âmes. ˚

Ife.


L'école a officiellement repris son rythme habituel il y a maintenant deux semaines, marquant le retour de tous les élèves, moi y compris. Mais à peine avions-nous franchi les portes de l'établissement que les discours moralisateurs ont commencé, martelés avec une insistance qui frisait l'obsession. 

On nous a rassemblés dans le gymnase, un espace trop vaste pour des paroles si creuses, où l'administration a déroulé son sempiternel speech sur le suicide et le harcèlement scolaire. « Parlez à un adulte de confiance » « Nous sommes là pour vous » « La bienveillance est notre priorité » ... Des phrases lisses, répétées mécaniquement, comme si elles avaient été copiées-collées d'un protocole ministériel. Pour couronner le tout, ils ont insisté sur la présence de psychologues « disponibles à tout moment », censés nous aider à surmonter nos « problèmes » ou notre « deuil en cours ».

Ils font ces rappels... mais ils ne s'en rappellent pas.

Leur hypocrisie m'a donné la nausée. Et comme pour enfoncer le clou, il y a ces hommages post-mortem qui pullulent devant son casier : des fleurs, des peluches , des bougies et des petits mots doux griffonnés à la va-vite sur des Post-it. Des gestes en toc, des condoléances de façade. La même foule qui détournait les yeux quand elle se faisait traiter de « Salope » dans les couloirs vient maintenant se donner bonne conscience en déposant des merdes en plastique devant son nom gravé dans le métal. 

Ça me dégoûte...

Depuis le début de l'année, mes journées se succédaient, monotones et prévisibles : maison, école, maison, un cycle sans surpris. Rien ne venait rompre cette routine étouffante... jusqu'à ce soir-là. 

J'étais dans ma chambre, penché sur mes exercices d'algèbre, le stylo à peine suspendu au-dessus d'une équation incomplète, quand mon téléphone a vibré. Un message. Pas un truc banal, pas un « Ça va ? » ou un « Tu as fini le DM ? ». Non. Une phrase qui a glacé l'air autour de moi : 

« Je sais ce que t'as dit à la police. »

Mon sang n'a fait qu'un tour. Qui pouvait... ? Comment... ? Mes doigts ont tremblé en parcourant la suite du message, une menace à peine voilée : « Si tu crois que je vais laisser passer ça, tu te goures. Je vais prévenir tous ceux que t'as balancés. »

Puis, le coup de grâce , la signature. **Archibald.** 

Oui, je l'avais effectivement mentionné à l'inspectrice, mais seulement parce qu'il était impliqué. Pas par vengeance. Pas par mensonge. Pourtant, il se présentait en victime, blessé par ma trahison. « On a eu nos différends, mais aller jusqu'à mentir sur moi... Ça fait mal. »

Mentir ? Sérieusement ? L'ironie était de trop !

Au début, j'avais décidé de ne pas lui répondre. Je m'en foutais. Ou du moins, c'est ce que je me répétais pour tenir bon. J'espérais secrètement qu'il finirait par se lasser, que son petit jeu perdrait de son intérêt si je refusais d'y participer. 

Je me trompais lourdement.

Mon silence, au lieu de le calmer, a semblé l'exciter. Comme un prédateur flairant la peur, il est devenu plus agressif, plus vicieux. Ses messages ont pris une tournure encore plus menaçante : « Tu crois que t'es maline à m'ignorer ? Attends de voir la gueule que tu fais sur la photo que j'ai prise ce jour-là. »

Celle qu'il avait capturée dans la salle de classe après m'avoir frappée. Celle qu'il promettait maintenant de balancer à toutes les écoles du secteur , parce que les lycéens adorent les ragots . Pour bien enfoncer le clou, il me l'a envoyée. 

CARELESS [ En Pause ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant