...
—« Et qu'est-ce que vous aimeriez lui dire, là maintenant ?
Encore. Cette pièce m'était familière. Encore. C'était dans cette pièce que je me retrouvais.
Allongé comme un moins que rien sur ce lit blanchâtre, je fus, une fois de plus, forcé de ne contempler que le plafond en dalles.— Je voudrais seulement...
J'interrompis mes dires par un profond soupir. Exprimer mon ressenti par rapport au décès de ma défunte femme était encore trop tôt, même après quatre ans. En temps normal, j'eus en horreur de parler de cet événement.
— Je sais à quel point cet exercice peut-être compliqué pour vous et je comprendrais si vous souhaitiez arrêter maintenant, reprît-elle, soucieuse.
— Non Docteur, c'est bon. C'est moi qui vous ai demandé de faire cet exercice alors je ne vais pas me défiler pour si peu.
Une fois de plus, je me concentrais. Tout en fermant les yeux, je fus alors apte à visualiser les derniers instants de ma femme, Norah Bryant.
— Bien, poursuivît-elle, arrivez-vous à l'apercevoir ?
— Oui.
— Pouvez-vous me la décrire ? Comment est-elle physiquement ?
Aussitôt, son visage m'apparut. Cela ne m'arrivais presque jamais en temps normal, hormis les fois où je fus sous drogues et encore. La voir ainsi me faisait toujours aussi mal, comme quoi, je n'eus pas bien évolué entre temps. Seul ma passion pour la débauche grandissait.
Lamentable.
— Elle avait de magnifiques yeux verts, j'avais pour habitude de me fondre dans son regard.
— Quoi d'autre ?
Petit à petit, mes poings se serraient. C'était un métabolisme que j'exerçais bien souvent lorsque je m'apprêtais à craquer en public. Surtout devant mon fils.
— Ses cheveux étaient plutôt long et ondulés, elle en prenait même plus soin que Samuel lui-même, disais-je ironiquement.
Les ongles de mes doigts ne cessèrent de s'enfoncer davantage dans ma paume. Avec le temps, cet habitude n'était plus si douloureuse.
— Et mentalement, qu'est-ce qui vous plaisait chez elle ?
— Mentalement ? Oh c'est simple, eh bien elle... Elle...
Mais les mots me manquèrent une fois de plus. Ma gorge se nouait, je n'étais plus capable de rien. Et je sus bien que poursuivre cette discussion, n'entraînerait que pleurs et mélancolie.
— Bordel... soufflais-je en tentant de me reprendre. Désolé Docteur Barker mais je ne vais pas y arriver.
Le regard de la psychologue Barker, s'abaissait brièvement vers un carnet de note qu'elle tenait entre ses mains.
— Keith, il est inutile de vous presser, cela ne fera qu'intensifier vos souffrances. Vous êtes ici pour apprendre à vous connaître, à être maître de vous-même.
— Comprenez aussi que ça m'enrage presque de ne parvenir à rien au bout d'un an de rendez-vous, disais-je en me redressant.
Il était vrai que plus le temps passait, moins mes soucis s'arrangeaient. En fait, je n'avançais pas, je n'avais jamais avancé d'ailleurs.
La fatigue me prenait ce jour-ci, une vague de lassitude m'inondait le cœur. Je connaissais cette sensation, généralement, elle annonçait un mauvais présage : l'envie de s'évader. Une évasion sans issue.

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𝐍𝐎𝐘𝐀𝐃𝐄[Disponible sur Amazon]
ActionLes abysses. Ces zones profondes, sombres, sinueuses et inexplorées. C'est là que Keith coule. C'est là que Keith disparaît. Il a suffit d'une goutte pour que l'océan le submerge. Père de famille ou bien veuf, Keith Bryant ne voit plus le monde qui...