𝐊𝐞𝐢𝐭𝐡

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—« Allez, juste pour cette fois. »

Voilà, c'était avec cette phrase que tout avait commencé. Non, plutôt devrais-je dire, c'était avec cette phrase que tout avait pris fin.

Il eut suffit d'un gramme pour que ma vie ne soit plus qu'un tas de cendres que le vent emportait dans la pénombre.

Je n'étais plus. Porté disparu depuis bien trop longtemps. La vague fût bien trop conséquente pour ma propre personne. Non, je n'avais plus la force de me débattre. Alors je coulais.

Une première fois, je coulais.

—« Mec, essaie ça, je t'assure que tu vas oublier tous tes soucis tellement c'est magique ! »

Au départ, c'était simplement pour permettre à ma mémoire d'omettre certains maux qui me rongeait. C'était fort, je m'en souvenais bien. Mais une fois inhalé, ce fût comme si toute ma conscience n'était plus. Comme si mes peines, mes douleurs, mes souffrances, disparaissaient sous terre à leur tour.

J'adorais cette sensation.

—« Alors mec ? Tu paniques toujours autant maintenant ?

À ce stade, répondre à ce genre de questions semblait être bien plus compliqué que de soulever un poids lourd. Le monde face à moi bougeait sans cesse. Même les nuages eurent une forme anormale. Ceux-ci virevoltaient au gré du vent. C'était dingue, l'on aurait pu croire que la Terre tournait vraiment.

— Non... Plus maintenant qu'elle est là, face à moi... »

Puis, la tempête venait après le calme. Et non l'inverse. La petite braise sur le point de s'éteindre, devint subitement une flamme incontrôlable que seul ma personne était capable d'apaiser. Du moins, c'était ce que je croyais.

Des hallucinations ? Je ne savais guère la réponse à mes questions. Mais je ne souhaitais pas avoir la réponse en question. En vérité, cette même « hallucination » me plaisait. Elle me plaisait tant que j'en devenais accro.

Je la revoyais à travers ces images. Elle était là, devant moi. Vivante.

—« Tu sais quoi ? J'aurais dû mourir à sa place... »

Une deuxième fois, je coulais.

L'étape des remords était celle qui me hantait constamment. Je prenais peu à peu conscience de l'amplitude de ma bêtise, et pour évacuer toute cette panique, les larmes furent mon seul moyen d'expression.

À travers celles-ci, j'implorais le pardon de plus d'un. J'implorais le pardon de ma défunte femme. J'implorais le pardon de mon fils. J'implorais le pardon de ma propre personne...
Mais souhaitaient-ils pardonner mes erreurs ?

N'était-ce pas une punition, un châtiment que l'on me faisait subir pour avoir infligé de tels peines à mon enfant ?

—« Je vais avoir besoin d'un truc plus fort... »

Une troisième fois, je coulais.

—« Bordel ! Ne me dis pas ce qui devrait être bien pour moi, je sais parfaitement comment je dois me gérer ! »

Une quatrième fois, je coulais.

La rage me prenait. Elle était présente, même au plus profond de mon cœur. Elle naquit d'un désir soudain de calmant, un désir puissant, engendrant une colère incontrôlable, dévastatrice, brisant tout autant le physique que le mental de ceux qui m'entouraient.

Bon sang, j'eus même atteint la seule personne qui croyait encore en moi. Mon propre fils...

—« Papa, tu dors ? »

Une cinquième fois... Je coulais.

Le chemin menant au sommeil éternel n'était pas si loin, non, vraiment pas. Il semblait être effrayant pour certains ou plutôt pour ceux qui ne gâchaient pas leur vie dans de foutues substances.

Couché sur ce brancard, à moitié dans l'au-delà, j'entendais au loin, comme un écho qui retentissait bruyamment, la voix étouffée de mon fils.

—« Il ne va pas mourir hein ? »

Je n'avais que vingt-cinq ans, je ne pouvais l'abandonner ainsi. Il n'avait que neuf ans, je ne devais pas l'abandonner ainsi. Et pourtant...

Une énième fois, je coulais.

Je ne demandais qu'à être sauvé.

Je ne demandais qu'à connaître son nom.






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