Bien qu'on raconte que depuis qu'il a rencontré Djeda, tout a changé en lui, Kaïna n'y croyait autant pas un mot que les histoires farfelues de son village sur la dangerosité du désert de nuit.

Malgré ses craintes, sa grande sœur lui avait toujours dit que les personnes pouvaient changer et avaient le droit à une seconde chance. « Tu ne sais pas ce qui est arrivé dans leur vie passée pour qu'ils en soient arrivés à faire ces choix-là. Tu ne peux pas fermer les portes à quelqu'un qui cherche sincèrement à faire rédemption de ses actes passés. Kaïna ouvre toujours ton cœur à ton prochain, tu ne sais pas de quoi la vie ai fait, il est trop tôt pour en vouloir au monde entier. »

La cadette avait beaucoup de mal à être de cet avis, elle ne comprenait pas comment sa sœur pouvait autant avoir espoir en l'humain, sans ne jamais protéger son cœur des inévitables déceptions. Mais d'une certaine manière, c'était pour cette raison qu'elle l'admirait autant.

Kaïna avait vu sa sœur avoir le cœur brisé des dizaines de fois, par des garçons qui ne méritaient pas de ne serait-ce que croiser son chemin, mais comme toujours, face à la bonté infinie de celle-ci, les gens, les hommes, en abusaient.

Elle s'était faite à l'idée que, si même face à la pureté cristalline de sa sœur, ils l'ébréchaient sans aucune pitié, comment traiteraient-ils le verre abrupt et noirci qu'elle était ?

Kaïna fit un dernier câlin à sa sœur, tandis que celle-ci l'averti de faire attention sur la route.

S'apprêtant à passer la porte principale du village, la jeune femme s'arrêta pour détailler l'agglutinement inhabituel à quelques mètres d'elle.

- Zafir, ouvre le couvercle !

Dès qu'il y avait une grosse réception au village, on faisait appel à la force manifeste du fiancé de Djeda. Curieuse de savoir ce qui provoquait la foule, Kaïna se rapprocha de la scène et vit un énorme pot qui devait faire la taille d'un sabre. L'objet devait peser lourd, car même Zafir avait du mal à le transporter. Il le lâcha lourdement sur le sable. Et la seule chose qui attira particulièrement l'attention de la jeune femme était le couvercle, il avait un manche doré, représentant le corps écailleux d'un serpent. Magnifique.

Une odeur forte d'épice inondée l'entrée du village, Kaïna entendit quelques voix s'élever parmi la foule :

- On nous a envoyées de la chorba...

-...Qui l'a envoyé ?

- Elle a l'air délicieuse...

Tout ça pour de la soupe ? Ridicule. Elle fit demi-tour pour s'écarter de la foule.

- Et si on la partageait avec tout le village ? Demanda Zafir. Cela fait des lustres que nous n'avions pas rassemblaient tout le monde autour d'un grand buffet.

- Excellente idée, gloussa une mère de famille, visiblement intimidé par l'homme à la carrure imposante.

Un buffet ?! Kaïna s'empressa de sortir du village avant que quelqu'un ne la remarque. La jeune fille avait horreur des événements qui rassemblait autant de monde. Elle était à présent certaine de quitter Jaïa pour la soirée. Elle ne se voyait pas afficher un sourire hypocrite aux gens qui s'apprêtaient à la marier de force quelques minutes plutôt.

La vagabonde étudia l'horizon devant elle et remarqua que le soleil n'était pas encore couché. Pour une personne lambda, il fallait en effet un après-midi entier pour atteindre Baya, mais pour elle, c'était en moyenne deux heures. Cela faisait des années qu'elle s'y rendait pratiquement toutes les semaines. Donc, que ça soit de jour, de nuit, ou même borgne, elle connaissait la route comme sa poche et saurait s'y repérer. Elle estimait tellement cela comme un jeu d'enfant qu'elle se lança le défis d'atteindre l'oasis avant la tombée du soleil.

VenesisWhere stories live. Discover now