𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒

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˚ Être un puceron égarer sur l'épine d'une vielle rose acérée. ˚





Ife.






Les filles m'avaient donné rendez-vous à 19h précises devant le cinéma, mais il est déjà 19h25, et je suis complètement à la bourre. 

La vérité, c'est que n'ayant jamais assisté à une vraie fête , l'angoisse de choisir la tenue parfaite m'a paralysée. J'ai passé près de deux heures à empiler vêtements sur vêtements sur mon lit, à enchaîner les poses devant le miroir, pour finalement détester presque tout ce que je possédais.

— EN RETARD ! hurle Solveig, je vois bien, à la façon dont ses doigts tambourinent contre sa manche, qu'elle est à deux doigts de m'étrangler. 

— Complètement désolée, soufflé-je, à bout de souffle. 

— 20 minutes de retard, Ife. 20 MINUTES ! Lève t'elle les yeux au ciel, exaspérée. Ce qui veut dire que tous les beaux mecs sont déjà pris, et qu'on va devoir se taper les moches !

— Désolée...bredouillé-je. 

Solveig me lance un regard noir, avant d'appuyer sur la télécommande de sa voiture  les phares s'allument.

— Monte. Elle pointe le siège passager d'un doigt, avant de tourner les talons, ses chaussures claquant sur l'asphalte.

À côté d'elle, Cataleya éclate de rire.

— T'inquiète pas, Ife, on te pardonnera... si tu paies les shots ! Siffle t'elle avant de se glisser à l'arrière pour s'allonger sur les places.

Bien sûr. Je vais devoir encore compenser mon incapacité par des services . Mais bon... au moins, elles, elles ne m'ont pas abandonnée sur le trottoir.

Wow, elles ont vraiment mis les bouchées doubles.

Solveig arbore un crop top noir transparent qui laisse subtilement entrevoir les dentelles de son soutien-gorge balconnet du genre qu'on voit dans les magazines , ainsi qu'un short en jean destroy cintré par une ceinture rose fluo qu'elle a nouée négligemment par-dessus des collants résille. Ses cheveux, naturellement ondulés, ont été lissés. 

Quant Cataleya, elle joue la carte de la provoc' assumée. Un gilet rouge en faux cuir, orné d'une fermeture éclair bling-bling qu'elle a délibérément laissée ouverte jusqu'au nombril, mettant en valeur le début naissant de sa poitrine et le triangle de peau dorée entre ses seins. Sa mini-jupe en cuir verni est si courte que les lamelles de son string rouge dépassent quand elle se penche pour ajuster ses boots à talons aiguilles.

Et puis... il y a moi. 

Un baggy noir, un débardeur bleu nuit (mais enfoui sous ma grande veste bleue remontée jusqu'au menton), et mes vans blanches délavées, fidèles depuis trois ans. La tenue parfaite pour disparaître dans la foule, ou vendre de la drogue..

Trop couverte. Trop terne. Trop... moi. À côté d'elles, j'ai l'impression d'être une ombre mal découpée, une tache floue sur une photo saturée. 

Mais bon. Au moins, je suis là ... Même si j'ai déjà envie de me cacher dans les toilettes toute la soirée.

— Rappelle-moi de t'habiller la prochaine fois, dit Solveig en mettant son moteur en route.

Cataleya, étalée à l'arrière comme une diva dans un clip, lève les yeux de son téléphone et lance, d'une voix traînante : 

— Laisse-la tranquille, ta tenue te va très bien, elle est représentative de qui tu es !

Représentative de qui je suis. La phrase résonne bizarrement. Est-ce un compliment ? Une manière polie de dire que je suis trop moi ? 

— Elle ne va surtout pas pécho personne habillée comme ça ! À l'heure actuelle même ma grand mère à l'Ehpad elle est plus bonne que elle ! 

— On est content que ta centenaire s'envoie encore, mais laisse là, ce n'est peut-être pas son objectif !

— Quand tu fais ta Ayse, ça m'énerve ! Je n'ai pas besoin d'une deuxième madame "je sais tout".

— Donc je suis obligée de laisser mon cerveau chez moi quand je sors avec toi ?

— Exactement !

— Excuse-moi alors, ricane Cataleya, ne la prenant pas au sérieux.


CARELESSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant