Némésis

CHAPITRE 3

« Celui qui s'applique à la vengeance garde fraîches ses blessures. »
Francis Bacon

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Ambre

Le bien et le mal.

Deux composantes que l'on s'obstine à vouloir opposer et qui pourtant, se complètent comme les deux faces d'une même pièce.

Le Yin et le Yang.

Le soleil et la Lune.

Le paradis et l'enfer.

L'un n'existe pas sans l'autre.

Vous êtes-vous déjà demandé de quel côté vous étiez ?

Cette question ne m'a jamais vraiment effleuré l'esprit. Pourtant, alors que j'observe Damian Santos, je sens que ma faible conscience morale vacille. Elle se dissipe dans l'air comme un nuage de buée en hiver.

Platon disait que « nul n'est méchant volontairement ». Si nous faisons le mal, c'est seulement par ignorance.

J'ai toujours pensé que c'était un mensonge pour rassurer les plus stupides d'entre nous. Pour donner une raison aux autres de mal agir.

Pour me donner une raison.

L'humain est mauvais par nature. Il détruit pour imposer ses idéaux aux détriments du bien être général. Sinon, comment expliquer toutes ces décennies de colonialisme et d'esclavagisme ? L'être humain sait parfaitement où se situe la limite entre l'acceptable et l'immorale. Il a juste choisi d'en faire abstraction pour satisfaire ses désirs les plus pervers.

Et ce soir, ma conscience s'est volatilisée à la seconde où j'ai passé les portes de ce club de streaptease prisé situé au cœur de la ville du péché.

On dit souvent à tort qu'une fois qu'on touche le fond, on ne peut pas tomber plus bas. Pourtant, il semblerait que je n'aie jamais cessé de crever ma propre tombe en espérant une issue différente.

Je dévisage Damian depuis le bar où je me suis assise pour le scruter. Il est affalé à quelques sièges de moi, le nez enfoncé dans son verre.

Si aujourd'hui il a quitté le monde dans lequel il baignait jadis pour une existence plus tranquille, nous savons tous les deux qu'il restera toujours un monstre. Qu'importe le costume dans lequel il tente de rentrer, sa véritable nature finira toujours par se sentir à l'étroit.

La musique pulse à travers les enceintes de la pièce pendant que les danseuses en minuscules tenues tentent d'appâter les clients pour les divertir. Les néons fluorescents au dessus de ma tête renforcent l'expression de désespoir qui s'affiche sur ses traits.

Damian Santos a quitté Arès Compagnie, l'entreprise de Seto McGuire il y a trois ans, pour laisser sa place au futur hériter, Isaac.

Depuis, il se tient en dehors des caméras et du public. Mais son cinéma ne me fera pas oublier la totalité des horreurs qu'il a commises au nom de son avarice. Et participer au meurtre de mes parents n'est qu'une infime partie des atrocités dont il est responsable. Pourtant, il se pavane à la vue de tous à l'instar d'un innocent dont le casier judiciaire serait aussi vierge que celui d'une sainte.

Il enchaine les verres à la vitesse de l'éclair. À peine a-t-il terminé sa gorgée qu'il se serre de nouveau.

On dirait qu'il a passé une mauvaise journée.

Parfait.

J'avale cul sec mon verre de whisky, laissant la brûlure familière de l'alcool dissiper mes derniers doutes, avant de me lever de mon tabouret. La minuscule robe que je porte moule mon corps comme une seconde peau.