Némésis

CHAPITRE 1

« Celui qui accepte le mal sans lutter contre lui coopère avec lui. »
Martin Luther King

♛♛♛

Ambre – Dix ans plus tard

D'un œil mauvais, je dévisage la devanture de l'immense immeuble devant lequel je me tiens.

Dix ans.

C'est le temps qui me sépare de cette funeste nuit durant laquelle j'ai failli perdre la vie.

Seule, brûlée, abandonnée.

C'était la pleine lune. L'astre nitescent illuminait la ville de sa douce lumière, mais ce dont je me souviens, c'est le silence qui faisait rage dans la maison. Les seuls sons étaient ceux des pas sur le parquet abimé et mes grognements étouffés par la douleur.

« Ne bouge surtout pas, Ambre. Ne fais pas le moindre bruit » m'avait supplié mon père, alors qu'il se vidait de son sang.

Je n'oublierai jamais cette image, celle de ses yeux azur qui m'imploraient de me taire, tandis que la vie le quittait au rythme de ses respirations erratiques et des flammes qui dévoraient la maison. La seule chose qu'il me reste désormais, c'est le collier qu'il m'a fourré entre les doigts avant de m'abandonner.

Ce soir là, j'ai tout perdu. Ma famille, mon cœur, et mon âme aussi.

Et en moins de temps qu'il n'en a fallu, la nouvelle faisait la une des journaux du pays.

« Jonathan Benet, ancien agent des services secrets est mort ce dimanche soir. Nous ignorons encore les raisons précises de son décès, mais une quantité anormale de stupéfiants a été retrouvée chez lui malgré l'incendie qui s'est déclaré dans la nuit. Une enquête sera ouverte dans les prochains jours pour éclaircir la situation, mais la balistique établie par la police laisse sous entendre qu'il s'agissait d'un règlement de compte avec un gang qui aurait mal tourné. »

C'est là que j'ai compris que tout le monde se moquait bien de la justice. Ce n'était qu'un mot inventé pour cacher la misère du monde. J'avais treize ans, quand j'ai réalisé que j'étais livrée à moi même dans cet aquarium géant où je n'étais personne, si ce n'est un petit poisson face au grand requin de la politique.

Seto aurait mieux fait de m'abattre d'une balle entre les yeux pour être certain que j'avais rejoint Lucifer, parce que ce soir-là, alors que les premiers flocons de neiges tombaient du ciel, je me suis fait une promesse : quoi qu'il arrive, je les vengerai.

J'inspire une longue bouffée d'oxygène avant de monter les marches qui mènent au quatrième étage du grand building.

L'escalier en marbre blanc se marie à merveille à la couleur des lustres au plafond et les tableaux accrochés au mur principal, renforce l'impression d'opulence qui s'échappe de cet hôtel.

Quand j'arrive à destination, je fais les cents pas dans le couloir.

J'aurais peut-être dû envoyer une lettre, ou laisser un message sur la boite vocal avant de me pointer sans prévenir.

Je prends une énorme inspiration et toque à la porte.

Je me fige lorsque le battant s'ouvre doucement sur le dernier visage familier qu'il me reste.

Je n'aurais jamais vu venir...

Les yeux d'Andrew rencontrent les miens à la seconde où il apparaît dernière la porte. L'indifférence berce les battements de mon coeur, à mesure que nous nous dévisageons.