Chapitre 1 - Poupée de chiffon (Partie 1)

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Précepte n°1 : Viraedra est un immense pays divisé en deux royaumes ; Gascarogh est la nation combat.

Ma vision était floue, comme si on avait plongé ma tête dans une épaisse brume. Il m'était impossible de distinguer quoi que ce soit. Tout n'était que formes étranges, déformées, des couleurs que je n'avais jamais vues et qui se mélangeaient entre elles. J'avais beau frotter mes yeux, les cligner des milliers de fois, rien à faire, tout n'était que brouillard.

Je sens quelque chose d'humide sur mes joues. Mais je ne m'attarde pas sur ce détail. Je tiens une main dans la mienne. Cette main est molle, sans réaction. J'ai mal aux jambes, surtout au niveau des genoux. Je suis agenouillée, c'est pour ça. Mon poids commence à être dur à gérer, tout le bas de mon corps est engourdi.

J'entends des éclats de voix, une est particulièrement forte et couvre toutes les autres. Cette voix hurle. Elle exige des explications. D'autres voix, plus tremblantes et moins assurées, tentaient de calmer les tensions.

Mais que s'est-il passé ? Cela ne devait pas se passer comme ça !

Que voulez-vous que l'on vous dise ? Elle n'a pas dû supporter son dernier accouchement, c'est tout...

Oui, c'est sûrement ça...

Nous n'avons rien pu faire...

Que se passe-t-il à la fin ? Et pourquoi mes joues restaient-elles mouillées ?

Mes yeux aussi sont mouillés, et j'ignore pourquoi.

Ma vue devient enfin plus nette. Les couleurs deviennent plus vives, les objets prennent une forme plus propre. Je reste focalisée sur ce qui se trouve devant moi. La grosse voix, une voix d'homme, ne cesse de menacer tout le monde. Il doit être méchant dans la vraie vie pour avoir une voix aussi effrayante. Je n'y prête pas attention. Je ne lâche pas la main inerte.

Je distingue une silhouette allongée, sous mes yeux toujours un peu brouillés. J'entends une porte qui se claque. Violemment. Je sursaute et la main m'échappe. Je perçois à peine un bras qui se balance faiblement un court instant, puis s'immobilise. Je me rapproche. Mes genoux cognent quelque chose de dur.

Du tapage autour de moi. Du brouhaha.

Pauvre enfant ! Assister à un tel spectacle...

C'est une perte terrible...

Que les entrailles de Viraedra l'accueillent en son sein...

Après quelques longues minutes à regarder dans le vide... Je vois enfin ! Cela a pris du temps à mes yeux de s'habituer à la lumière, mais ça y est, j'y arrive...

Une femme dormait devant moi, un léger sourire flottant sur ses lèvres. C'était une très belle femme ; la peau ébène, des cheveux noirs mi-longs.

Elle avait l'air apaisé.

Je me demande qui elle est. Son sommeil doit être profond et sûrement très agréable, pour que le vacarme ambiant ne la réveille pas.

Ne peuvent-ils pas tous se taire ?

La femme ne bouge pas d'un millimètre. C'était sa main que j'avais tout à l'heure dans la mienne. Le bras ne remue pas non plus.

À force de l'observer, un détail finit par m'interpeller : elle ne faisait aucun mouvement de respiration, même infime. Je décide d'observer plus attentivement. Pas d'inspiration, ni d'expiration. Sa poitrine ne se levait pas, ne s'abaissait pas. Son petit nez ne vibrait pas.

Viraedra Tome 1 - Que leur naissance condamneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant