𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟖

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˚ Notre réelle valeur est uniquement façonnée par le regard que les autres portent sur nous. ˚





Ife.





2 semaines plus tard

Me voici assise à la table numéro 5, dans le coin le plus silencieux de la bibliothèque municipale, devant l'ordinateur public dont les touches grasses résistent sous mes doigts. La lumière se reflète sur l'écran tandis que je m'acharne sur ma rédaction , un devoir sur le droit de vote des femmes que je dois rendre lundi prochain.

Oui, encore une fois, le professeur de philosophie à fait des siennes en nous assignant un sujet rétrograde : "Le suffrage féminin a-t-il réellement bénéficié à la société ?".

La question en elle-même est une insulte.

Sa misogynie ne se cache même plus derrière le vernis de la "réflexion académique". La semaine dernière, c'était "La nature a-t-elle destiné les femmes au foyer ?". Avant cela, un exposé sur "Les limites intellectuelles du cerveau féminin".

Autour de moi, l'atmosphère studieuse est à peine troublée par le froissement des pages et les toussotements discrets des quelques personnes présent.

Un frisson me parcourt l'échine, provoquer par courant d'air, né quelque part près de l'entrée principale, qui s'est faufilé entre les rayonnages, a serpenté entre les tables, pour finalement se glisser par la fenêtre mal jointe de la section philosophie.

Je jette un regard par la baie vitrée. À peine octobre a-t-il posé son pied sur le calendrier que déjà les vents se déchaînent en bourrasques. Ils tournoient dans la cour, arrachant aux marronniers leurs premières feuilles jaunissantes. Bientôt, les trottoirs crouleront sous le tapis craquant des feuilles mortes, et les derniers rayons de soleil deviendront une denrée rare.

Un nouvel assaut du vent fait trembler la vitre dans son châssis. Je remonte machinalement le col de mon pull, tout en observant les passants dehors qui luttent contre les rafales, courbés en avant.

— T'es sûr de ce que tu avances ? chuchote la voix d'un garçon non loin de moi.

— Oui, confirme un autre. Mon père était en train de former les nouveaux recrus de la police quand l'alerte rouge a été déclenchée ! C'était suite à la découverte d'un cadavre. Il m'a expliqué qu'ils l'avaient retrouvé dans une usine abandonnée, en décomposition avancée. Continue t'il, la voix de plus en plus basse. Genre, il n'avait plus de chair sur les avant-bras et le visage tellement sa peau avait pourri à cause de la chaleur, ce qui a amené les rongeurs à le manger.

— Mais c'était qui ? demande la voix plus douce parmi les quatre.

— Aucune idée, rétorque t'il, il ne semblait pas être originaire du comté ni de New York, en fait, il n'était même pas américain car il ne figurait pas dans les bases de données du FBI ni de la police.

Et si c'était le garçon de la dernière fois ? Celui qui s'est pris une balle dans la ruelle...

C'est fort possible !

La bibliothécaire, lève les yeux de son écran et m'adresse un geste discret de la main, pour m'inviter à venir récupérer mes impressions. Sans perdre de temps, je pousse ma chaise contre le sol stratifié et me dirige vers le comptoir, mes pas feutrés par la moquette épaisse.

Mes feuilles sont soigneusement alignées sur le bureau. Je les parcours rapidement du bout des doigts, vérifiant une dernière fois que tout est en ordre. Satisfaite, je la remercie puis saisis un trombone dans le pot à stylos posé près de la corbeille à papier. Je les rassemble, presse le métal froid contre leur coin supérieur gauche, puis les glisse dans ma pochette, qui rejoint aussitôt mon sac à dos, entre un carnet à spirale et une gourde à moitié vide.

CARELESSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant