Prologue

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Des hurlements me réveillent. Je sors en trombe de mon lit et sors dehors. Ce qui est en train de se passer sous mes yeux est épouvantable. Dans cette sombre nuit, mon village est en feu. Les maisons brûlent et s'effondrent. Tandis que les villageois courent, essayant d'échapper aux soldats. C'est la panique totale. Que font des soldats ici ? Pourquoi font-ils ça ? Je ne comprends rien à ce qui se passe. Les hommes, les femmes, les enfants se font capturer les uns après les autres. Ils n'épargnent aucun d'entre nous, sauf les personnes âgées.

Je peux voir en haut des collines d'autres maisons en feu. Quel est leur but en faisant cela ? Qui les a envoyé ? Qu'avons-nous fait pour mériter un tel châtiment ? Trop de questions se bousculent dans ma tête, me donnant un énorme mal de crâne. Je tombe à genoux en me prenant la tête entre mes mains. Peu à peu je n'entends plus rien. Les cris disparaissent et emportent avec eux les pleurs d'enfants. Comme si tout ceci n'était qu'une illusion, qu'un simple cauchemar. Et pourtant, à travers mes larmes, la scène est bel et bien présente. Certains se rebellent contre ces soldats, ils se battent, eux. Alors que moi, je ne fais rien pour les aider. Je pleure, je ne fais rien d'autre que pleurer. M'apitoyant sur le sortilège qu'on nous a jeté, je suis méprisable.

Des soldats remarquent ma présence et s'avancent à grande vitesse. Je les vois s'approcher et tente de bouger. Paralysé par la peur, mon corps refuse d'obéir. Jusqu'à ce qu'un homme me pousse en me criant de ne pas rester planté là, me faisant ainsi sortir de ma torpeur.
Je cours alors en direction des broussailles et m'enfonce dans la forêt. Je tente de courir le plus vite possible, sans me retourner, sans même pouvoir remercier cet homme qui m'a aidé et qui s'est certainement fait prendre à ma place. Mais cela est peine perdu, certains soldats sont à ma poursuite et me rattrapent. J'accélère la cadence mais ceci ne suffit pas. Un des soldats me fait tomber, néanmoins je me relève et vais pour reprendre mon élan. Malheureusement, j'ai perdu des secondes précieuses en tombant. Tout espoir de m'enfuir est vain. On me capture et m'enchaîne.
Cette funèbre nuit sera à jamais gravée dans ma mémoire.

Pendant quelques jours, nous marchons à travers les campagnes, en file indienne, enchaînés les uns aux autres, sans eaux ni nourritures. Les plus faibles tombent en chemin, les soldats n'ayant rien à foutre d'eux les laissent à leur triste sort. Ceux qui essayent de se rebeller se font tirer une balle en pleine tête. Je m'efforce de tenir le coup, ne voulant pas mourir d'une telle manière.
Je me pose des questions. J'irai certainement tout droit vers ma mort -c'est ironique, moi qui ne veux pas mourir- mais j'ose quand même à en poser une au soldat qui est à côté de moi. J'estime que j'ai le droit de connaître leur véritable intention. Nous avons tous le droit d'avoir nos réponses, de savoir ce qui se passe après ce qu'ils nous ont fait.

- Excusez-moi, est-ce que je peux vous poser une question ? Déclarai-je poliment malgré la colère qui m'envahit.

Le soldat à l'air surpris de mon initiative. Un sourire hautain se dessine sur ce visage balafré. Il sort une arme et la pointe sur ma tempe. Ceux qui sont derrière moi poussent des cris strident. Le soldat leur dit de se la fermer et tous obéissent. Le souffle coupé, je regarde devant moi, ne faisant aucun geste. J'ai des sueurs froides. Vais-je mourir ? Lui et ses compères ricanent. Il enlève son arme et la range.

- Tu es bien suicidaire gamin. Tu veux mourir ? Si c'est ça je peux t'aider. Répond un autre soldat.

- Ne le touches pas. Tu as vu ce corps et ce visage ? Il serait dommage d'abîmer une aussi belle proie. Il va sûrement rapporter une grosse fortune aux enchères. Réfute l'homme au visage balafré.

Grosse fortune ? Enchères ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
Il concentre de nouveau son attention sur moi. Son regard froid me sonde, j'ai le sentiment qu'il arrive à lire mes sentiments comme dans un livre ouvert et ceci m'effraie terriblement.

- Poses ta question.

- Pourquoi nous avoir fait capturer ?

- La réponse n'est-elle pas évidente ? Vous allez tout simplement devenir esclave.

- Es... Esclave ? Mais pour quelles raisons ?

- Tu n'avais droit qu'à une seule question. Alors maintenant que tu as ta réponse, tu te tais et tu marches.

Je n'y crois pas. Ma vie a été chamboulée comme jamais, et j'apprends -ainsi que les autres- que nous allons devenir esclave. Je refuse de finir mes jours en tant que tel. Je me pince la main, la douleur est bien présente. Ce n'est pas un mauvais rêve. Tout ceci est bel et bien réel.

Après de longues heures de marche, nous arrivons dans une grande ville marchande : Mashall. À peine arrivés dans celle-ci, on nous emmène à une grande place où se font des ventes d'esclaves. Des familles en pleurent se font séparer sous mes yeux. Une femme par-ci, un enfant par-là, un mari à l'autre bout du marché. Ça me brise le cœur... J'ai du mal à respirer tant il est serré.
Deux personnes viennent à notre rencontre. Ils nous enlèvent les liens qui nous reliaient aux autres, sauf ceux de nos pieds et mains qui sont toujours enchaînés. Une autre personne arrive et nous distribue des numéros comme on pourrait le faire avec du bétail. À la suite de ça, ils nous placent dans un des marchés d'esclaves de la ville. Nous montons sur l'estrade à la vue d'une immense foule. Parfaitement alignés, nous attendons notre tour avec une angoisse qui prend peu à peu de l'ampleur. Tout se passe à une allure phénoménale, mes compagnons partent les uns après les autres.
Mon ami Aki est le suivant. Mon tour est pour bientôt.
Il est définitivement vendu. Nous nous lançons un dernier regard embrumé par les larmes en signe d'au revoir -car oui, nous nous retrouverons un jour- et le vendeur annonce mon tour.

- Mesdames et messieurs je vous présente le lot dix-neuf ! Regardez cette magnifique carrure pour un si jeune homme. Il vous aidera énormément aux champs ! Et cette peau hâlée qui pourrait vous donner des envies. Il pourra vous satisfaire, si vous voyez ce que je veux dire !

La foule rigole face à cette réplique. Ce vendeur, je le tuerais si je le pouvais. Me traiter comme une marchandise alors que je suis un humain. Ces gens-là n'ont aucune once d'humanité en eux. C'est le diable en personne qui les habite.
Le vendeur commence alors à annoncer le prix de ma vente.

- Si vous le voulez bien, commençons dès à présent la vente ! Le prix de départ est de dix mille bewels.

- J'offre cinquante mille bewels.

- Qui dit mieux ?!

- J'en offre quatre-vingt-dix !

Les prix ne font que s'accroître encore et encore. Jusqu'à ce que le prix ultime arrive.

- J'offre sept-cent mille bewels pour ce jeune homme !

Le brouhaha cesse immédiatement. La foule se tourne vers la personne qui a annoncé ce prix incommensurable. Tous ont des yeux exorbités en voyant l'homme. Il doit être connu. Même celui qui présente la vente a la bouche grande ouverte, ne s'attendant pas à un tel prix.
Après quelques secondes, il reprend parole.

- Qui dit mieux que sept-cent mille bewels ?

Personne. Le silence total. Non, personne ne peut défier ce prix colossal. Tous ont la tête baissé montrant une cuisante défaite.

- Personne ? sept-cent mille une fois, deux fois, trois fois. Vendu à ce monsieur du nom de Jin Kurose ! Faites descendre l'esclave.

On me prend par le bras et m'emmène en direction de celui qui sera mon "Maître".
Arrivé devant lui, il me regarde de haut en bas et commence à sourire.

- Tu seras parfait pour mon fils.

L'Affranchissement de l'EsclaveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant