IGOR | en réécriture

1 | Qui es-tu ?

RAVEN - Cinq ans plus tard

Le prochain qui entre dans cette cellule, je le bute. Ouais...

Mille huit cent vingt-cinq jours. 
Cinq putain d'années.

Je me relève, le corps douloureux, et m'avance vers la porte. J'y colle mon oreille, rien. J'ai un rire nerveux. La folie va m'atteindre si ça continue... À moins qu'elle ne m'ait déjà atteint ?

Je n'en peux plus de cet endroit. Je suis pourrie jusqu'à la moelle... Je n'attends qu'une seule chose... Ma mort, ou la leur. Leur, qui ? J'en sais foutrement rien, bordel de merde.

On me bande les yeux. Que ce soit à l'aller ou au retour. Je ne vois rien. Je ne sais pas où je suis, et je commence à ne plus savoir qui je suis.

On me vend. À qui ? Aux hommes. J'étais, je suis leur putain. Leur jouet sexuel.

Et une fois qu'ils en ont marre de moi, je suis ramenée dans ma maison de poupée, cette cage pour animaux.

Je tourne en rond, comme un putain de clébard en manque de nourriture. Mes mains s'agrippent à mes joues creuses. Je suis en train de péter les plombs.

Ma respiration devient saccadée tandis qu'une envie de vomir déferle en moi.

Il m'est arrivé une fois de frapper un de ces vieux. Je me suis fait punir, et je crois avoir compris la leçon, puisque je n'ai plus jamais recommencé. Mes pensées n'ont plus rien de normal, de logique, ou même d'une quelconque empathie humaine.

Je regarde mon corps vêtu d'un unique t-shirt qui m'arrive aux genoux, avec pour seul sous-vêtement une culotte. Je ne suis qu'une écervelée qui veut faire saigner autant que j'ai souffert.

Je m'affale sur ce qui est mon lit : un matelas à moitié moisi.

Pas une seule fois, jamais, je n'ai revu la lumière du jour depuis ce jour-là. J'ai quoi ? Vingt-trois ans ? J'en avais dix-huit quand tout a commencé...

Combien de temps un humain peut-il vivre sans voir la lumière du jour ? Pas autant de temps... Parce que là, je vais agoniser ou m'éclater le crâne contre le mur si ça continue.

Je ne suis pas la seule ici, je le sais parce qu'on en porte toutes... Un numéro.

Et je suis la quatre cent quarante-quatrième.

Quatre, quatre, quatre...

Je vais descendre le prochain qui vient. Je vais m'enfuir, je vais le tuer et ensuite m'enfuir.

Est-ce que ma mère s'inquiète pour moi ? J'explose d'un rire cynique. C'est ça, pauvre conne, j'espère qu'elle a pourri comme la merde qu'elle est.

En entendant des pas approcher, je me précipite sur le mur à côté de la porte.

Je vais le tuer.

Les pas s'arrêtent juste devant moi... Et plus rien.

Plus rien ?

Je passe mes mains dans mes cheveux. Je dois sortir, je n'en peux plus...

Quand je croyais que le silence allait se prolonger, je pousse un cri en entendant un énorme fracas à quelques mètres de moi. Un homme masqué porte son talkie-walkie près de sa bouche.

- J'en ai une autre, cellule quatre cent quarante-quatre.

Prise d'adrénaline, je m'élance vers lui dans le but de lui asséner un coup, mais il est plus rapide que moi. En un rien de temps, je me retrouve dos à lui et je sens un craquement qui me coupe le souffle. 
Je m'écroule.