Chapitre 1

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MON AMIE FANNY A DISPARU -Leila était déjà venue la veille, pour signaler cette disparition qui n'inquiétait qu'elle. En fait, un adulte qui disparaît, c'est banal à pleurer, et il n'y avait qu'elle, Leila, pour renifler aussi peu discrètement, alors qu'elle venait de lancer la procédure de signalement et de recherche officielle auprès des services compétents, comme il est prévu dans l'article 6 de la charte de l'Accueil du public et l'assistance aux victimes, affichée dans le commissariat de police.

-Bon, je garde la photo de votre amie. Toutefois, comme je vous le disais hier, tout majeur disparu peut lors de sa découverte, s'opposer à la communication de ses nouvelles coordonnées.

-Euh, je dois comprendre que, si vous la retrouvez, il se pourrait que je ne le sache pas?

-Bien sûr que si, vous serez informée, mais sans plus de détails.

SOUPIR...

-Vous comprenez, j'espère: Fanny n'est pas du genre à disparaître, comme ça, du jour au lendemain, sans donner d'explications à son entourage? (Re-soupir)... Et surtout pas à moi qui suis sa meilleure amie depuis nos années collège. En plus, nous partageons le même appartement.

-Je comprends. Oui, je comprends l'inquiétude soulevée par un tel changement de comportement. Cependant, les statistiques sont là pour prouver que, dans la plupart des cas, il y a plus de peur que de mal.

-Sauf que j'ai quelques indices pas très rassurants, car non seulement ça fait cinq jours que je suis sans nouvelles de Fanny, mais lorsque j'essaie de la joindre sur son portable, je tombe directement sur le répondeur. Et ce, quelque soit l'heure... (Et que je renifle encore un bon coup !). Or, ce qui me rend de plus en plus folle d'inquiétude au fil du temps qui passe, c'est que Fanny n'était plus la même depuis sa rencontre avec l'autre...

A ce moment là, précisément, Leila se mordit les lèvres très fortement, comme si elle voulait empêcher le mot, « psychopathe », de sortir de sa bouche si sèche, qu'elle ne pouvait plus déglutir. Elle se tortillait sur le siège inconfortable, les entrailles liquéfiées. Et malgré la chaleur étouffante qui régnait dans la pièce exiguë, elle frissonna en essuyant d'un revers de main, les gouttes de sueur froide qui perlaient de son front.

L'autre ? Le flic semblait l'interroger du regard.

-Nan, rien. C'est juste une impression que j'ai eue en voyant la photo de ce type. Laid à faire peur. J'me suis souvent demandé ce que Fanny pouvait bien lui trouver... Mais depuis ce coup de foudre sans doute trop beau pour être vrai, elle ne me disait plus rien du tout. Aussi je me suis dit qu'elle était peut-être tombée sur un sinistre crétin. En tout cas, ces derniers jours, je voyais bien que quelque chose la mâchait...

-On ne sait jamais tout d'une personne, aussi proche de nous, soit-elle.

-Ben ça...

« C'est le moins qu'on puisse dire », pensa Leila. Mais elle n'avait pas fini sa phrase, parce qu'elle se reprochait d'en avoir peut-être déjà trop dit, et elle resta silencieuse jusqu'à ce que son interlocuteur se lève.

-On se tient au courant mutuellement. Au revoir madame.

-Entendu. Merci beaucoup.

Oui, elle avait éprouvé une certaine gratitude envers ce flic qui en réalité ne faisait que son boulot, tout simplement parce qu'il s'était montré un brin compatissant. Mais plus encore, parce que sa poignée de main signifiait la fin de l'entretien, et tandis que l'émotion avait laissé la place à une angoisse qui lui coupait presque la respiration, Leila n'avait plus qu'une hâte, sortir de cette fournaise où elle brûlait comme en enfer... respirer l'air plus frais de cette fin de journée de juillet... marcher pour dégourdir ses jambes lourdes...

Aussi, elle arrivait maintenant au n°3 de la rue où elles habitaient, Fanny et elle. Son amie occupait tellement son esprit qu'en se regardant dans la vitrine du libraire, en bas de leur immeuble, elle la vit derrière elle, puis posée sur son épaule, comme une colombe. Soudain un parfum douceâtre et sucré de vanille flottait dans l'air tiède, un peu écoeurant, comme ce jour-la dans l'avion qui les ramenait d'un week-end prolongé à New York. La colombe ! Comment n'avait-elle pas pensé plutôt à cette histoire de colombe que lui avait racontée Fanny, après ce vol transatlantique pourtant mémorable ? La colombe et ce drôle de magicien habillé tout en noir qui a mis sa cape sur elle, et -hop, plus de colombe ! Monde de merde content du spectacle, mais qui ne se souciait même pas de savoir ce que cette colombe était devenue ! Eh bien, elle, Leila, se jura de remuer ciel et terre, mais elle saurait...

A suivre

La disparition, où es-tu Fanny L.?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant