CINQ ― Diego

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DIEGO S'ÉTONNE DE SOURIRE À SON MEILLEUR AMI.

Scott lui ouvre grand les bras pour le prendre contre soi dès que la porte s'ouvre. Diego n'a jamais aimé ce genre d'accolade, pourquoi les gens doivent-ils toujours envahir l'espace personnel des autres ?

Malgré cela, Diego éprouve du réconfort à revoir son ami. Il a refusé pendant des semaines à le voir, par simple manque de force. Les interactions sociales étaient si compliquées qu'il s'est enfermé chez lui le plus possible. L'appeler ces derniers jours pour s'excuser de son absence était la tâche la plus difficile qu'il a dû faire depuis très longtemps. Pourtant, l'appel n'a duré qu'une dizaine de minutes et Scott s'est montré très conciliant.

Diego ne voulait voir que lui - non, il ne pouvait que voir que lui. C'est la seule personne de son entourage proche qui fait un minimum d'effort pour comprendre ce qu'il traverse. En prime, il lui apporte quelques conseils que Diego ne suivra pas mais dont il est reconnaissant de les recevoir.

En face de lui, Scott déblatère un tas de reproches sur un ton toutefois rassuré. Diego ne l'écoute qu'à moitié, sachant qu'il recevrait un jour ou l'autre ces réflexions sur son absence. Il savait aussi que Scott ne lui disait pas ça par méchanceté, simplement par la profonde inquiétude qu'il lui a causé.

— Tu ne nous as donné aucune nouvelle pour ça ?
demande Scott, dans l'incompréhension.

Le jeune homme pointe du doigt le golden retriever allongé au pied du canapé. En sachant qu'il était au centre de la conversation, sa queue se meut et tape le sol à rythme régulier. Sous sa bonne humeur apparente, Scott ne peut s'empêcher de se baisser à son niveau et prendre sa gueule entre ses deux mains pour lui faire un nombre incalculable de papouilles.

— Euh, oui... non, pas vraiment...
bafouille Diego.

S'il devait lui expliquer tout ce qu'il a vécu ces derniers jours, ils perdraient un temps précieux. Il ne lui parle que de la matinée, avec le golden qui a passé la nuit devant sa porte d'entrée. Pris de pitié, Diego s'est résolu à le faire rentrer. Au début, ce n'était que pour lui prendre une douche, pensait-il, mais au final, il n'a pas quitté son salon.

Le golden retriever a passé la grande majorité de sa journée à manger les restes de nourriture et à dormir sur le sol froid. Bien que Diego ne soit pas équipé pour accueillir un animal, ce dernier se sentait déjà chez lui, à tel point que ses ronflements remplacent le silence habituel de sa maison.

— Faut croire qu'il t'a adopté,
plaisante Scott.

Mais Diego ne le prend pas sur le ton de la plaisanterie. Durant toute la fin d'après-midi et soirée, les paroles de son meilleur ami lui restent en tête. Scott ne cesse de lui répéter que sa compagnie peut être d'un grand bien. Mais si c'était la sienne qui se révèle mauvaise pour le chien ?

Quand vient le coucher du soleil, Diego ne sait plus quoi faire. Ils se regardent de longues minutes, assis l'un en face de l'autre, les yeux dans les yeux. La jambe de Diego tressaillit, tandis que les babines du golden se retroussent comme s'il attendait avec impatience sa décision. Diego finit par se lever brusquement, se dirige dans sa chambre, puis ferme la porte derrière lui.

D'abord perdu, puis triste de sa solitude, le golden retriever se rapproche à pas de loups de la pièce fermée. Ses yeux parcourt l'entourage de porte, à la recherche d'une entrée possible, en vain. Son cœur battant de plus en plus vite, il vient gratter à l'aide de sa patte le bas de la porte. Le stress de se retrouver à nouveau seul le fait gratter de plus en plus fort, jusqu'à enlever la peinture à l'aide de ses griffes.

— Arrête ! Stop !
se plaint Diego, sans
bouger de son lit.

Ça y est. Il sait comment attirer son attention.

Au plein milieu de la nuit, ses aboiements viennent perturber le sommeil du jeune homme. Lorsqu'il se met à hurler tel un loup, c'en est trop pour Diego.

C'est avec des cernes sous les yeux que Diego se lève de son lit et ouvre brusquement la porte. Derrière celle-ci, le chien le regarde puis se met à gigoter dans tous les sens. Il remue sa queue de gauche à droite, heureux de voir l'humain qui va enfin pouvoir lui prêter attention. Pas même le petit tour dans le jardin ne vient entraver sa bonne humeur. Suivi par Diego qui vérifie qu'il fait ses besoins avant d'aller se recoucher, le chien renifle ce nouvel environnement pour prendre mieux connaissance de sa maison.

Au moment de rentrer, il perd à nouveau sa joie lorsqu'il se retrouve devant la porte de la chambre. Le golden freine avec ses pattes en avant lorsque Diego lui bloque le passage.

— Ah non, tu dors dans le salon.

Si on lui avait dit que des yeux de chien battus suffisent pour changer son avis, Diego ne l'aurait pas cru.

Un simple regard, et voici que le chien foule le sol de la chambre. Il saute immédiatement sur le lit, au grand malheur de Diego qui se rassure en se rappelant du bain qu'il lui a offert ce matin même. À quelques heures près, ses draps seraient tous autant recouverts de terre que son canapé.

Bon dieu, que ce chien est fort,
pense-t-il.

Diego se faufile entre ses draps à la seule place libre. Pourtant, le chien se lève et libère le trois-quarts du lit afin de se coller à l'humain. Aussitôt, il pose sa tête et ses yeux se ferment sans la moindre résistance.

Diego l'observe, sans savoir que dire ou que faire. Allongé dans une position inconfortable, il n'ose même plus bougé pour ne pas réveiller l'animal. Malgré l'inconfort physique, un lourd sentiment pèse sur lui. Non pas négatif, comme il a l'habitude, mais bien positif. La présence canine ajoute du baume à son cœur. Plus qu'un sourire. Plus qu'un câlin. Plus qu'un humain.

Sa main caressant le pelage soyeux, ce fut comme une décharge de bonheur. Il reprend goût au contact d'un autre être sur sa peau. Un contact créant un lien indéfinissable.

GOLDEN DAYS (short story)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant