Chapitre XIV : Maman

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Je me précipitais dans le hall de l'hôpital, talonnée par Adam qui s'efforçait de tenir le rythme à 60 ans passé. La grande salle filait à travers mes pupilles qui naviguaient, larmoyantes, à la recherche de ma mère.

"Je peux vous renseigner peut-être ?" Demanda une jeune infirmière qui poussait une grand-mère dans un fauteuil roulant. Sa voix douce m'arrachait à la violence de ce qui bouillonnait en moi, un mélange de haine, de colère et de désespoir. Pourquoi n'ai-je pas été plus là pour elle au lieu d'aller m'amuser comme une stupide gamine ? Pourquoi ne lui ai-je pas demandé après la mort de papa qu'elle arrête de prendre des missions aussi périlleuses ? Pourquoi ne l'ai-je pas protéger davantage ? Qu'est-ce que l'on va devenir si elle ne se réveille jamais ? Et Pélagie ? Est-elle au courant ? Va-t-elle bien ? Au lieu de ça je n'ai pensé qu'à moi, égoïstement...

"Mademoiselle ?" Renchérit l'infirmière en se plaçant devant moi.

"Oui, euh... Est-ce que vous savez où est Cécile Cohen ?" demandai-je avec difficulté. Les syllabes s'accrochaient à mon palais et à ma gorge, refusant presque de sortir.

"Je vais me renseigner, je reviens vers vous tout de suite, installez-vous en salle d'attente un instant, j'arrive." répondit-elle en s'éloignant vers l'un des longs couloirs.

"Hey, Mathilde, je sais que c'est difficile mais détend toi, je suis sur qu'elle va bien..." Déclara Adam en s'asseyant à côté de moi avant de me tendre le café qu'il avait entre les mains.

"Tu en veux ?" Demanda-t-il simplement. Je fis non de la tête. Il m'était impossible d'avaler quoi que ce soit présentement. Alors que je recommençais à me morfondre l'infirmière réapparut accompagné d'un grand homme portant une blouse blanche.

"Docteur Simons" Déclara l'inconnu en serrant la main que lui tendait Adam.

"Suivez-moi, nous allons nous mettre dans mon bureau" Ajouta-t-il en tournant les talons sans même prêter attention à ma présence. Quel grossier personnage...! Pensai-je ne suivant tout ce beau monde dans les dédales de couloirs tous plus blancs les uns que les autres avant de pénétrer dans un vaste bureau qui donnait sur la cours.

"Installez-vous, je vous en prie" ajouta le docteur en désignant deux chaises en plastique blanc avant de prendre place derrière son bureau.

"Ecoutez, je ne vais pas passer par quatre chemin. Madame Cohen est dans un état préoccupant..." Il s'arrêta un instant en posant son regard d'acier sur mon visage rougit par les larmes avant de poursuivre son explication "Elle a reçu plusieurs impactes de balles dont un qui lui a traversé la clavicule, nous l'avons opérée de suite et plongée dans le coma pour lui offrir les meilleures chances de se rétablir. Elle est intubée et perfusée de partout mais si vous tenez a aller la voir malgré tout, sa chambre est au bout du couloir sur votre droite" Termina le docteur en se reculant dans son fauteuil. Je me levais d'un bond, gratifia du regard le docteur Simons et courus dans le couloir pour rejoindre la chambre qu'occupait ma mère.

"Tu peux entrer tu sais" déclara une infirmière qui finissait de perfuser le corps inerte de ma mère. J'étais comme pétrifiée, incapable de passer la porte de cette chambre que j'avais tant attendue depuis l'annonce de cette nouvelle.

"Je..." balbutiai-je en retenant le flot de larme qui pointait déjà au coin de mes yeux.

"Prends le temps que tu as besoin, ne te sens pas obligée de quoi que ce soit Mathilde. Elle ne t'en voudra pas" ajouta Adam qui venait de me rejoindre. Il entra une dizaine de minutes avant de ressortir de la pièce avec cet air grave que prenait les médecins lorsque les nouvelles sont mauvaises. Il me sourit allègrement mais je voyais dans son regard toute la détresse qui l'habitait, alors, comme l'atmosphère se faisait de plus en plus lourde, il s'éclipsa, prétextant un appel à passer. Je jetais un œil à mon portable 22h57... J'entrepris d'envoyer un message à ma sœur, lui disant que maman était malade et qu'il était préférable qu'elle se repose un peu. Je n'eus pas le courage de lui dire la vérité, puis je m'empressais d'envoyer un bref message à Pélagie, lui disant que je ne serais pas en cours demain à la rentrée, pour éviter qu'elle ne s'inquiète.

"Mathilde, c'est ça ?" Demanda la jeune infirmière qui nous avait accueilli. Je fis oui de la tête en rangeant mon portable dans ma poche de manteau.

"Ne t'inquiètes pas pour ta maman, je suis sure qu'elle va vite se remettre sur pied" ajouta cette dernière en posant sa main sur mon dos pour me réconforter. Ce soir là je ne parvins pas à rentrer voir ma mère, j'avais honte de l'admettre mais... Elle me faisait peur.

"On va y aller Mathilde, on reviendra demain ne t'en fait pas..." Déclara Adam en regagnant le couloir. Lui aussi semblait dépassé par les évènements mais je ne lui en voulais pas, tout le monde réagit avec ses armes je suppose... Sur le chemin du retour, le silence régnait dans l'habitacle de la voiture. Les lumières de Paris, autrefois si majestueuses semblaient bien ternes à présent. Les vacances touchaient à leur fin avec un goût amer, comme un immense trait de crayon rouge vermeille sur un portrait familier... Demain c'est la rentrée, c'est Pélagie, les cours de physique avec notre crétin de prof, les interros surprises du prof d'allemand, les passages à l'infirmerie pour discuter avec Mamie Jeanne,... C'est Madame Garber et ses cours de maths, c'est Isa et ce baiser... Mais c'est aussi maman et le coma, et je ne lui ai même pas dit que je l'aimais...

Juste pour cette fois...Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora