Chapitre 22

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Un instant de panique.

Samuel est agenouillé à côté d'Alexandre. Ce dernier est complètement roulé sur lui-même, tremblant de la tête aux pieds. Son front est glacé, il fait peut-être une espèce de fièvre. Et si c'était le Covid ?

Avant de se poser ce genre de question, il faut le relever du sol. Samuel prend son compagnon sous les bras, il est lourd mais, une fois qu'il comprend ce que Samuel cherche à faire, il l'aide. Ils se trainent tous les deux jusqu'au lit. Tant pis pour les habits à ôter, tant pis pour les chaussures, ou même les draps à remettre. Samuel repassera la serpillère plus tard. Ce n'est pas grave ; ce n'est pas le plus important.

Il lui ôte sa veste. À l'intérieur d'une poche le portable vibre. Alexandre regarde dans le vide. Maintenant qu'il est assis, il n'arrive même plus à bouger ou à réagir. Alors Samuel prend le téléphone. Appel de Yasmina.

L'information est rapide : ils ont renvoyé Alex chez lui dès midi, parce qu'il n'avait vraiment pas l'air dans son assiette. Ils aimeraient savoir s'il est bien rentré.

Il ne faut pas trois heures pour aller de la Fac jusqu'ici.

— Je te rappelle plus tard.

— C'est Samuel ? T'as une jolie voix. Prends soin de lui et préviens si vous avez besoin d'aide si jamais...

Oui si jamais c'est le Covid et qu'ils se retrouvent isolés avec aucun moyen de sortir. Mais ça n'arrivera pas. Non.

Agenouillé devant Alexandre, Samuel prend ses mains dans les siennes. Elles sont froides, rougies par l'utilisation du gel hydroalcoolique, encore plus abimées que les siennes. Il attend deux, trois, cinq minutes, puis demande :

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

Alexandre met du temps à lui répondre, ses lèvres bougent sans qu'aucun son n'en sorte. Et enfin :

— Je n'ose pas appeler chez mes parents. Ma mère m'a appelé ce matin mais je n'ai pas répondu. Je n'ose pas regarder les messages. J'ai tellement peur...

Les doigts de Samuel lui caressent doucement les mains.

— Tu veux que je regarde à ta place ?

— Et s'il était à l'hôpital ? Il y a des jeunes sous respirateur, et Mathieu, tu sais, il a pris du poids après le lycée. Enfin il n'a jamais été mince, et ils disent que c'est un risque alors... Et s'il l'a passé à mes parents, qu'est-ce que je vais faire ?

Il faut presque une demi-heure à Samuel pour calmer Alex et le pousser à se changer et aller prendre une douche très chaude.

Quand il reprend le téléphone de son copain, il y a une dizaine de messages de sa mère, et deux de Mathieu. Ils attendent de ses nouvelles, ils se font du souci. La fièvre de Mathieu est retombée d'un coup même s'il est encore crevé. Alex s'est monté la tête tout seul.

Sans y réfléchir, Samuel appuie sur le bouton de rappel.

— Alex ! J'essaie de t'appeler depuis ce matin !

Aïe, il n'a pas beaucoup réfléchi sur ce coup-là.

— Bonjour, c'est un copain d'Alexandre.

— Il est arrivé...

— Non, non, ne vous inquiétez pas, il est... Hm, il est sous la douche ?

Oh purée.

Il y a un blanc à l'autre bout du fil.

Le doute est tout à fait détectable dans la voix de la mère d'Alex quand elle reprend la parole :

— Qui êtes-vous ?

— Alors, en fait, je suis son petit-ami, commence-t-il, avant de rajouter très vite, avant de se faire couper la parole : Ça date d'avant le confinement. J'ai dû venir loger chez lui pour des raisons pratiques, on fait très attention, et je me fais tester une fois par semaine. Je suis désolé, il ne voulait pas vous inquiéter. Vraiment. Ah, et je m'appelle Samuel.

— Hm.

Toute une montagne de doute dans ce « hm ». Bon maintenant que Samuel a commencé, autant continuer, une oreille vers la salle-de-bain où la douche coule toujours.

— Alex ne se sent pas bien aujourd'hui. Il était très stressé à cause de son frère et avec tout le boulot qu'il fait... Enfin là il est rentré, je m'occupe de lui, et il vous appelle dès qu'il peut, c'est promis.

— Quelle andouille. Mathieu va très bien, et il est suivi par notre médecin. Ça ne ressemble pas à Alex d'être stressé comme ça.

— Si vous voyez Paris en ce moment Madame. C'est juste irréel.

— Bon, écoutez, ça ne me plaît vraiment pas qu'un inconnu soit avec mon fils en pleine pandémie. Et qu'il ne nous ait pas fait confiance pour nous en parler.

Parce qu'il m'a accueilli après le début de la pandémie et que c'était une idée tellement risquée, pense Samuel.

— Qu'il nous appelle dès qu'il peut. Et je lui envoie un billet de train pour qu'il rentre dès le 11 mai. Il devra rentrer, et si ça ne va pas mieux, on le fera rapatrier. Dites-lui ça. Et j'aimerai avoir une photo de vous aussi.

Elle raccroche, sans doute à la fois en colère et morte de trouille. Samuel comprend tout à fait. Elle n'a pas de nouvelles de son fils depuis plus d'une journée, en pleine pandémie, elle vit à 500 km de Paris, et c'est un mec dont elle n'a jamais entendu parler qui répond. Il y aurait de quoi retourner tout le pays.

LuiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant