Chapitre 15

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Le petit-déjeuner a malheureusement dû être écourté par un coup de téléphone intempestif, juste au moment où Samuel s'était presque laissé convaincre de se remettre en pyjama et de passer la journée entière au lit.

— Ah, c'est ma grand-mère, fait Alexandre en grimaçant. Elle m'appelle deux fois par an, pour mon anniversaire et pour Noël. Ça risque d'être long.

— Tu lui donnes nouvelles ?

— Le moins possible, par contre j'ai droit à l'historique complet de sa vie et des drames que vit Nice depuis qu'ils sont envahis par les étrangers et que c'est encore pire depuis l'attentat et... Bref. Adieu.

Samuel lui pique un baiser sur les lèvres pour l'encourager. Vu les visions de la dame, il est fort probable qu'il ne soit pas out du tout avec elle. Alex s'assoit au bord du lit, bascule en arrière et voici que la conversation à sens unique commence à base de « oui oui » et de « bien sûr » et « tu exagères un peu quand même ».

Samuel pourrait le laisser là. Il a encore une course à faire, et il peut emprunter le PC pour voir où en est son inscription sur UberEats. Mais Alex est là, il regarde le plafond et il ne fait absolument pas attention à lui. Alors que Samuel n'a pas du tout, mais pas du tout envie d'être ignoré, surtout pour une vieille rombière raciste.

L'air de rien, il va à la salle-de-bain et prend ce qu'il lui faut. Alexandre ne le voit même pas s'agenouiller entre ses jambes, puis poser ses coudes de chaque côté de ses cuisses. Mais il le voit pointer du doigt son entre-jambe en soulevant les sourcils, et faire glisser lentement l'élastique de son bas de pyjama.

Alexandre continue à répondre au téléphone, alors que son visage a pris la teinte d'une tomate trop mûre. Sauf que ses yeux se sont subitement assombris et qu'il ne fait rien pour arrêter Samuel. Celui-ci attend tout de même un accord de sa part. Parce que même s'ils n'ont pas eu le temps de faire grand-chose de plus que s'embrasser pendant des plombes, ça ils en ont discuté en long, en large, et en travers.

Dès qu'Alex acquiesce, Samuel se met au travail.

Il a un peu de mal à enfiler le préservatif, mais il a la bonne technique pour prendre en main son copain, et sa bouche suit de près. Il tente de se souvenir de ce qu'Alexandre a fait, de rassembler ses souvenirs de pornos, et les quelques conseils qu'il a pu glaner çà et là sur des sites gays (maintenant qu'il peut surfer sans avoir peur que quelqu'un regarde par-dessus son épaules)

— Vraiment, Lydie, je ne pense pas que ton jardinier soit un terroriste, vraiment.

La main d'Alexandre se dépose sur sa tête. Il doit faire quelque chose de bien, parce que la voix du jeune homme est presque montée d'une octave.

— Non mais si tu veux en changer...

Arrêt brusque en pleine phrase alors que la langue de Samuel a dû appuyer juste là où il fallait.

— Pardon, j'ai un chat dans la gorge. Oui appelle son patron mais non, ne parle pas de... Ok. Oui.

Samuel n'écoute plus, tout concentré qu'il est sur sa tâche.

C'est qu'il y prendrait goût en plus. Il y a quelque chose de très satisfaisant à faire glisser, à sucer, à laisser une chaleur étrangère l'envahir, à y prendre un réel plaisir, tout en faisant aussi visiblement plaisir à l'autre.

— Je dois te laisser. La fenêtre est ouverte et je ne veux pas... Non je ne veux pas parler du docteur Raoult. Bonne journée !

Le téléphone valse quelque part de l'autre côté du lit.

D'un seul coup Alexandre se redresse et ses deux mains serrent le crâne de Samuel. Pas fort non, mais suffisamment fermement pour le guider, juste un peu. Et alors qu'il se contentait de faire plaisir, Samuel sent sa propre excitation monter.

Il se relève pour reprendre sa respiration. Alexandre l'observe avec un mélange de surprise et d'adoration.

— Tu peux contrôler. Ça... Je crois que ça me ferait du bien, fait-il.

Alexandre hoche la tête et l'emprise de ses mains se fait un peu plus ferme. Et là il commence à bouger son bassin. Samuel se laisse faire. Il kiffe. Il kiffe tellement. Comme si son esprit se détachait complètement de son corps.

— Ça va ?

Samuel a un goût de latex dans la bouche, la gorge sèche et très très soif. Et une humidité collante désagréable dans son caleçon.

— Tu as été out pendant trente secondes, je commençais à flipper.

— Je crois que j'ai eu un orgasme en fait.

Alexandre aide Samuel à se relever. Ses genoux sont tout endoloris et il s'effondre sur le matelas en rigolant. Le regard dont le couvre son copain est tellement tendre qu'il a l'impression de rêver.

— Ça avait l'air intense. J'ai jamais vu quelqu'un prendre autant son pied à faire une pipe.

Les remarques d'Alexandre sur son expérience de gay très fêtard ne plaisent pas particulièrement à Samuel.

— Ça t'a plus à toi ?

— Oh oui.

— Tu sais...

Il se mord les lèvres : — Non laisse tomber.

Samuel veut se détourner, la honte le rattrape plus vite que prévue. Purée, une vraie caricature de mec soumis et de faiblard et de... Non, non, il faut arrêter de penser comme ça. Ça va aller, il va sortir, il étouffe.

Les bras d'Alexandre le prennent par la taille puis une main sur son cœur.

— Hé, me laisse pas tout seul. Je suis là. Je suis là Sam... Shhhh...

Mouvement de balancier. Doucement. Alex lui murmure plein de trucs sans queue ni tête et n'en finit pas de lui caresser les cheveux, le dos, les bras.

— Pourquoi je suis comme ça ? Finit par chuchoter Samuel, un peu plus calme.

La tête en appui sur son bras replié, Alexandre continue à la toucher. C'est agréable.

— T'as passé des années à te cacher, c'est normal de ne pas savoir ce que tu peux dire et ce que tu dois garder pour toi. Même si tu peux tout me dire, vraiment. Sauf que la confiance, ça ne s'acquiert pas si facilement.

— Tu parles comme un livre.

— Je suis en socio, c'est normal. Dis, tu as joui quand j'ai pris le contrôle, c'est ça ?

Le jeune homme se contente de hocher la tête.

— Alors tu fais une petite descente. Tu as lâché tout le contrôle que tu avais sur ton corps pendant quelques instants, tu as pris ton pied, tu as eu une décharge d'hormones phénoménale, et le retour à la réalité est compliqué. C'est tout à fait normal.

— J'aime être dominé ?

Samuel a du mal à se faire à cette idée. Il a toujours eu le contrôle sur sa vie, tant bien que mal. Se débrouiller seul. Être constamment sur le qui-vive. Toujours tout prévoir pour ne pas lâcher prise et...

— Ah, c'est comme la boxe alors ?

— Là c'est moi qui ne suis plus.

Alexandre l'aide à retirer son pantalon et son caleçon bon pour la lessive, puis le traîne jusqu'à la salle-de-bain. Samuel insiste pour se nettoyer seul et qu'Alex s'occupe du repas d'anniversaire. Il a une faim de loup.

— On va commander des mezzes et de l'houmous, ça fera chier la Mère Grand. Je vais juste avoir le temps de descendre prendre le dessert et de l'alcool.

Samuel sort la tête de la salle-de-bain : — Je m'en suis occupé, de la boisson. C'est dans le Frigo.

— Oh, merci !

Purée qu'est-ce qu'il est beau. Il ne l'avait pas encore remarqué, mais Alexandre a quelques taches de rousseur sur les joues.

— Du coup la boxe ?

— Ah, Marc, mon pote joggeur. Il me dit que je suis trop stressé et que j'ai besoin de relâcher la pression. De faire de la boxe.

— Perso je préfère le cul.

— Mais je veux pas faire de cul avec Marc moi ! Il est super vieux !

— Idiot.

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