CHAPITRE CX - LES MANOEUVRES DE L'AMIRAL

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Mettant à profit la technique secrète apprise par son maître quelques mois avant sa mort, Arthur bondissait dans l'air humide de la jungle tropicale de Mukata. Il y régnait une obscurité presque totale, mais les quelques rayons de lune qui perçaient le feuillage épais des grands arbres lui permettaient d'esquiver les obstacles. Son second était juste derrière lui et sa présence le rassurait. Lola, collée à son dos, haletait de panique. Il pouvait sentir son petit cœur d'enfant battre contre son chemisier moite de transpiration. Au-devant du groupe, Peck volait à toute allure, esquivant les troncs des grands arbres, montrant à ses amis la direction à suivre.

Il leur fallait rejoindre la côte Ouest au plus vite : leurs camarades y seraient très bientôt, si Muay Tina et son équipage de combattants ne leur avaient pas réglé leur compte d'ici-là. L'arrivée de la Corsaire avait été absolument imprévue, mais autant que cela lui coutait de l'admettre, Arthur devait reconnaître qu'il avait été vaincu à son propre jeu : Edouard avait été plus malin que lui et le piège qu'il avait mis en place se refermait petit à petit sur eux. La communication avec Jun, Haru et Jorge avait été brutalement coupée, mais même s'il s'inquiétait terriblement, il ne pouvait pour autant partir à leur secours. Il ne pouvait compter que sur leur échappatoire et espérer qu'ils se retrouvent très bientôt, tous les six, sur la plage Ouest pour quitter cette île maudite où leurs ennemis étaient rassemblés.

Une nouvelle secousse se fit sentir et l'air se réchauffa immédiatement. En voyant le paysage tropical s'illuminer devant ses yeux, Arthur comprit qu'Edouard déchaînait derrière eux un torrent de flammes surpuissant : pour traquer ses proies dans ce labyrinthe vert et obscur, l'amiral reptilien n'hésiterait pas à prendre des mesures draconiennes...

- Il est juste derrière nous, ils nous traque ! souffla Zell. On fait quoi ?

- Ne t'arrête surtout pas, continue d'avancer avec le Pas de lune ! Son fluide est très avancé, même perdus dans cette jungle, il peut savoir plus ou moins où l'on se trouve. Il la réduira en cendres pour nous débusquer s'il le faut...

Et tandis que le vent leur battait le visage dans un fracas assourdissant, l'oreille experte d'Arthur reconnut un son familier, le sifflement d'une lame frappant l'air. Il sentit le changement de pression dans l'atmosphère, le chatouillis de son tympan et interrompit sa course folle pour se jeter sur Zell.

- A terre ! cria-t-il en le plaquant contre le sol boueux.

Alors que le charpentier allait demander la raison de cette panique soudaine, une onde de choc surpuissante frappa l'air, tranchant les arbres horizontalement avec autant de facilité que s'ils eurent été faits de beurre mou. Arthur se releva en vitesse, Zell derrière lui.

- C'était quoi ça ?! On aurait dit un Pied-ouragan !

Arthur leva les yeux et vit le Léviathan dans le ciel, un peu plus loin derrière eux, toujours occupé à brûler la jungle. Il avait lui aussi capté ce déferlement de puissance et se rapprochait de nouveau.

- C'était bien une lame d'air, mais Edouard est toujours là-bas... murmura le jeune chevalier. Ce n'était pas... Attention !

Arthur eut tout juste le temps de dégainer Excalibur pour dévier la nouvelle attaque qui fusait vers eux à toute allure. Elle frappa l'or de son épée et, désaxée, vint trancher les arbres alentours.

- Quelqu'un vient... souffla Arthur en se mettant en position défensive.

Ces attaques successives avaient transformé la jungle en clairière, si bien que les rayons de lune illuminaient désormais l'arène naturelle et révélait la présence de leur assaillant, juste devant eux. Tandis qu'il s'avançait, nonchalamment, Lola se mit à crier :

- Arthur, je ne sais pas qui est ce type, mais Edouard nous a repérés ! Il fonce vers nous !

Le Léviathan volait vers eux à grande vitesse, frappant l'air de ses ailes de chauve-souris, sa longue queue serpentant dans l'air de la nuit. Dès que l'assaillant fut pleinement révélé par la lumière lunaire, Arthur reconnut son casque rouge, la manière dont ses lèvres se refermaient sur sa cigarette fumante et le long fourreau de son sabre.

- Vous... ?! Que faites-vous ici ?

- Il se trouve que ce cher amiral Kuroryu a un tour d'avance sur vous, chevalier. Voilà plusieurs heures que mon équipage a débarqué sur cette île et que je vous traque dans la jungle. D'après ce que j'ai compris, je ne suis pas le seul à avoir été convoqué...

Lola plissa les yeux pour mieux voir l'homme qui leur faisait face.

- Qui est-ce ? Un soldat ?

- Non... grinça Zell. C'est le « chasseur de pirates » : Lorde, l'un des cinq Grands Corsaires ! Merde, avec Tina, ça fait déjà deux ! Combien ce salopard en a-t-il appelé ?

- Un amiral n'a aucun pouvoir sur les Corsaires, dit Arthur en levant sa lame devant son visage. S'ils ont été convoqués, c'est que même les Cinq Doyens sont informés de notre trahison. Ils ne voulaient pas que d'autres soldats de la Marine en soient informés...

Un sourire se dessina sur le visage d'habitude si stoïque de Lorde, tandis qu'il dégainait lui aussi sa longue épée.

- C'est que l'amiral ignore l'ampleur de votre rébellion... Le tigre blanc avait peut-être d'autres alliés mais nous, Corsaires, nous moquons de vos querelles internes. Nous agissons uniquement parce que nous avons été convoqués pour remettre de l'ordre dans toute cette affaire, c'est tout.

Il leva son épée devant lui et pointa Arthur de sa lame.

- Alors, chevalier ? Le Léviathan, ou ma lame ?

Comme seule réponse, Arthur adopta une posture offensive et fondit sur Lorde, prêt à le trancher. En voyant sa lame tourner de gauche à droite à toute allure, son adversaire contrattaqua.

- Phoenix Wings ! hurla le premier.

- Naizō Kiru ! répliqua le Corsaire.

En l'espace d'un instant, leurs attaques se croisèrent et leurs corps, précipités par leur assaut, passèrent l'un à côté de l'autre. Puis, ils demeurèrent immobiles, quelques secondes. Arthur, haletant, se demandait s'il avait gagné, mais la vibration furieuse de son épée ne présageait rien de bon. Du coin de l'œil, il interrogea Excalibur et, dans un craquement, la tranche de sa lame se fendit légèrement. Un éclat d'or avait été brisé par l'attaque de Lorde. Un minuscule éclat. Alors que la vision d'Arthur se brouillait, il porta sa main à son ventre.

- Tu as perdu, chevalier. Et pour votre gouverne, je ne suis pas le « chasseur de pirates »...

Et tandis que Zell hurlait, comme de douleur, Arthur leva sa main dans la lumière de la lune. Elle était aussi rouge que le masque étrange de Lorde. Le combat était terminé. Déjà, Edouard fondait sur eux, prêt à les capturer.

- ... mais « le tueur de pirates ».

Alors qu'il sentait ses jambes céder sous son poids, Arthur fut rattrapé de justesse par son ami.

- Zell ? balbutia-t-il en fermant les yeux.

- Pas le temps de discuter ! lui cria le charpentier en le prenant sur ses épaules. On doit se tirer d'ici au plus vite, tu t'en souviens ?

Portant Lola sous le bras et Arthur sur le dos, Zell se précipita une nouvelle fois dans la jungle, jouant du Pas de lune et de l'Incision pour échapper à l'amiral et au Corsaire qui se jetaient à leur poursuite. Et tandis que son sang ruisselait sur le corps de son ami, que Lola s'efforçait de sécher ses larmes pour lui appliquer les premiers soins, Arthur se laissa entraîner par une fatigue soudaine, terriblement puissante.

- Ça va aller ! répétait Zell en tremblant, pour la première fois depuis des lustres. Ça va aller ! 

MARINES - A ONE PIECE story (FRENCH) - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant