Le Monastère de Saint-Benoît

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« Le stationnement est un point de repère, dit Nyoto. Allons dans les bois. »

Ils s'engagèrent sur le sentier, le gravier crissant sous leurs pas, malgré les couches de feuilles humides que personne ne venait plus enlever.

« C'est tranquille », dit Nyoto.

Comment aurait-il pu en être autrement ?

« Ici, nous pouvons discuter librement, dit Grimaldi. Alors, que savez-vous à propos de ces gens ? »

Nyoto haussa les épaules, occupé à sonder les bois du regard.

« Si Nideck sait quelque chose, il l'a gardé pour lui. Mais il m'a informé que ce n'était pas la première tentative pour s'emparer de Michel. Quand tu étais à Saint-Sébastien.

— Je sais, répondit Michel. »

Nyoto plissa les yeux. « Nideck m'a dit qu'il ne t'en avait jamais parlé.

— À cette époque, ma clairvoyance en faisait à sa tête, surtout la nuit. J'avais du mal à distinguer mes visions de mes cauchemars. J'ai vu des hommes se diriger vers ma chambre. J'ai aussi vu ce qui leur est arrivé ensuite. »

Grimaldi en était désolé pour Michel. L'Ordre n'était pas tendre envers les ennemis qui tombaient entre ses mains. Le spectacle avait dû être atroce, et expliquait sans doute en partie les réticences du jeune homme.

« Nideck ne m'a pas raconté ce qu'il a appris sur eux cette nuit-là, dit Nyoto. Probablement pas grand-chose. Nous avons affaire à un adversaire prudent. Il emploie les mêmes méthodes que l'Orde: une hiérarchie de secrets. Difficile de remonter la piste.

— Et qu'est-ce qu'ils me veulent ? »

Nyoto exigea le silence d'un geste de la main. Grimaldi tendit l'oreille. Il n'entendit d'abord que le froissement tranquille des feuilles, le vent sifflant dans les branches, les cris timides des animaux nocturnes. Puis il sut ce que les sens plus aiguisés de Nyoto avaient perçu avant lui.

« C'est impossible, souffla Grimaldi. Même s'ils avaient un clairvoyant, il leur aurait fallu au moins une demi-heure pour venir jusqu'ici.

— Quatre voitures se sont garées », commenta Nyoto. Ses oreilles bougeaient d'elles-mêmes, comme celle d'un renard à l'affût.

« Ce n'est peut-être rien. », dit Grimaldi. Il n'arrivait pas à le croire lui-même. « Je vais aller voir. Attendez-moi ici. »

Et il s'en alla, laissant Michel à la protection de Nyoto.

« Ce sont les gens qui me suivaient.

— Peut-être, commenta froidement Nyoto, l'oreille toujours tendue.

— Ce n'était pas une question. Je reconnais le type du tramway. »

Nyoto fixait le sentier où Grimaldi avait disparu. « Tu te rends compte de ce que cela signifie ? Grimaldi a choisi ce lieu sans en parler à qui que ce soit.

— Et alors ?

— Hier, quand tu étais suivi, Grimaldi savait où tu te trouvais ? »

Michel mit un moment à comprendre ce que suggérait Nyoto.

« Vous ne pensez tout de même pas que Grimaldi nous a trahis ?

— Je ne sais qu'une chose : nos ennemis ont su où nous allions dans les secondes après que Grimaldi ait décidé de nous amener ici.

— Mais nous étions avec lui. Il n'a appelé personne.

— C'est un technomancien. Il a son téléphone dans le crâne. »

Nyoto étudia le terrain. Ces bois étaient sans doute pour Grimaldi un lieu familier, ce qui donnait un certain avantage à leurs adversaires.

« Il ne faut pas rester ici. »

Où aller ? La dernière chose qu'il désirait était de s'engager dans des bois inconnus. Distraitement, il dévissa sa prothèse et la rangea dans sa poche.

« Nous allons foncer. Nous ne pouvons pas partir sans la voiture : rien ne garantit que je trouverais un refuge avant l'aube. S'il y a le moindre risque, je veux que tu te caches derrière une butte de terre, ou une grosse pierre. Tout ce qui peut arrêter les balles. »

Michel pâlit d'un ton.

Nyoto s'engagea sur le sentier au pas de course, aussi discrètement qu'il le pouvait. Le son que produisaient ses pieds, touchant le sol broussailleux, était aussitôt englouti par le concert tranquille de la nuit. Mais Michel courait sur ses talons et n'avait pas son entraînement.

« Ils ont des armes ?

— J'ai vu un fusil de chasse et une mitraillette.

— Combien sont-ils ?

— Quatre types par voiture, je crois. »

Ils aperçurent Grimaldi au moment où celui-ci entrait dans le stationnement. Il longeait les buissons. Nyoto eut soudain un doute quant à ses soupçons. Grimaldi se déplaçait avec autant de discrétion qu'un citadin était capable de déployer. Si c'était un traître, il travaillait fort à donner le change.

Nyoto se dissimula dans une marre d'ombre. Là, il retrouva dans ses vêtements sa main de combat.

Myriam et le Cercle de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant