Chapitre XIII : Pinocchio

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"Salut Isa, t'as passé de bonnes vacances ?" Me lança Franck, le prof de SES avant même que je ne pénètre dans l'enceinte du lycée. Si tu savais... Aller Isa, soit convainquante pour une fois !

"Oui très bonne, mon ami est remonté pour les vacances alors c'était cool et toi ?" Répondis-je à mon collègue en garant ma moto sur le parking comme à mon habitude. Y'a du progrès niveau mytho !

"Oh ! J'ai été voir ma belle-mère en Isère, c'est une vraie peau de vache celle-là mais bon... On choisit pas ses beaux parents tu me diras ! Mais sinon c'était sympa et puis ma fille a accouché samedi alors je suis un grand-père comblé" répliqua le prof de SES en approchant, son portable rempli de photos de sa petite-fille qu'il prenait plaisir à montrer à tous les profs qui passaient par là. Je félicitais Franck pour cette belle nouvelle et esquivais la foule, préférant le calme de la salle des profs encore vide à cette heure-ci mais Monsieur Kéring, le principal, en avait visiblement décidé autrement puisqu'il s'approchait de moi, accompagné d'un jeune homme que j'étais persuadée d'avoir déjà vu quelque part.

"Ah Isabella, je voulais vous présenter votre nouveau collègue, Fabrice Lemestre, professeur de mathématiques également. Je me suis dit que puisque vous partagez une même matière ce serait un bon moyen pour vous côtoyer et puis tu pourras faire visiter le lycée à Fabrice. Bon je vous laisse, j'ai des rendez-vous qui m'attendent !" Déclara Monsieur Kéring en tournant les talons, me laissant avec le mystérieux inconnu qui ne l'était peut-être pas tant que ça...

"J'ai l'impression de vous avoir déjà vu quelque part mais je ne sais plus où..." Dis-je en espérant ne pas passer pour une hystérique.

"Je pense que c'est à vous que j'ai prêter mon portable dans la rue l'autre jour, vous veniez de casser le votre et je..." Commença le jeune homme tandis que les souvenirs remontaient à la surface.

"C'est ça ! Je me disais bien que ce sourire niais me disais quelque chose !" M'écriai-je intérieurement en esquissant un sourire suite à ce que je venais de penser.

"D'ailleurs j'ai reçu un message de votre..." Débuta Fabrice alors que je ne l'écoutais déjà plus, trop occupée à chercher un moyen de m'échapper d'ici. Heureusement la sonnerie me permit de fausser compagnie à mon nouvel "ami" pour rejoindre ma classe de Terminale. Autrement dit : Quitter un problème pour en rejoindre un autre. Pas très optimiste tout ça...

"Bien, installez-vous en silence, les vacances sont finies ! Aller les filles on arrête de bavarder et on sort ses affaires. Mettez vos DM sur le coin de vos tables que je puisse les ramasser" dis-je en retrouvant mon rôle de professeure après ces deux semaines loin d'être reposantes. J'entrepris par la suite de faire l'appel et c'est lorsqu'une élève déclara "absente" à la prononciation du prénom de Mathilde que je sentis mon coeur s'alourdir. Je pensais presque instinctivement à tous les scénarios possibles et imaginables concernant mon élève, regrettant de ne pas l'avoir appelée, d'être partie comme une voleuse ce soir là... J'étais tellement absorbée par mes pensées que j'en oubliai mes élèves qui commençaient déjà à bavarder.

"SILENCE !" Criai-je en frappant mon poing sur mon bureau. Jamais je n'eus une telle réaction mais c'était comme-ci ce cris voulait faire taire aussi bien mes élèves que les milliards de pensées qui erraient en moi depuis quelques semaines déjà. Je continuais l'appel en essayant de faire abstraction de mon excès de colère qui avait eu pour conséquence de sidérer la grande majorité de ma classe. Le cours sur les fractales se déroulait dans le calme le plus absolu. Je m'en voulais d'avoir crier ainsi mais me rassurais en voyant travailler même les plus cancres de mes élèves. Finalement, ça a parfois du bon d'être effrayant.

"Bien, vous n'oubliez pas : demain, interro sur le dernier chapitre. Rendez-vous en petite étude à 14h précise. Bonne journée !" Déclarai-je en essayant de détendre l'atmosphère. En même temps ce n'est pas avec une interro que je vais réussir à les détendre...
Une fois que le dernier élève quitta la salle, je me laissais tomber sur ma chaise en soupirant. Mathilde, pourquoi t'es pas là ?!

Juste pour cette fois...Where stories live. Discover now