Chapitre 2 : Aron

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Je les observe et suis loin d'être impressionné. Adossé contre le mur de la salle du château, un verre d'ambroisie en main, mes sourcils se froncent en voyant peu à peu le bétail arriver. Il y en a de toutes sortes : des minces, des gros, des grands, des petits, des femelles, des mâles, des blonds, des bruns, ... Aucun ne se ressemble, mais ils ont tous une chose en commun : ils sont pitoyables.

« Ils me feraient presque pitié », pensé-je, méprisant, en buvant lentement une gorgée de mon breuvage.

Leurs expressions béates lorsqu'ils arrivent ici, me font intérieurement grimacer. Qu'ils sont stupides et pathétiques. Je dois vraiment résister de toutes mes forces pour ne pas laisser transparaitre mon dégout sur mon visage.

Toutefois, je dois jouer le jeu comme tout le monde.

Certaines humaines, en arrivant, me jettent des coups d'œil appréciateurs et malgré mon aversion pour leur espèce, je force mes lèvres à s'étirer et leur adresse un clin d'œil charmeur. Lorsque j'en vois une rougir, je n'ai qu'une pensée : lamentable.

C'est amusant de voir comme nos espèces peuvent se ressembler physiquement et pourtant... un monde nous sépare. Nous ne sommes en rien pareil. Heureusement.

Buvant une autre gorgée, je sens l'impatience me gagner. Ma mâchoire se contracte et mes épaules se tendent imperceptiblement.

Nous arrivons bientôt à la fin du décompte et je ne vois toujours nulle part ni mon frère ni ma sœur. Que peuvent-ils bien faire ? J'espère qu'ils ne se sont pas perdus...

C'est leur première fois sur Terre. Lyra et Winter ont été choisis par la reine elle-même pour réaliser cette mission, et même si c'est un grand honneur pour notre famille, je suis bien content de ne pas être à leur place. Une fois m'a suffi !

La Terre est un endroit sale et nauséabond pour lequel je n'ai aucun intérêt. Ce monde est mon idée de l'enfer. Je ne comprends vraiment pas comment certains faes peuvent réussir à y séjourner sur de longues périodes. Il y a du fer quasiment partout... Ma lèvre supérieure remonte en me souvenant de mon voyage là-bas. Plus jamais.

Je ne supporte ni la Terre ni ses habitants.

Soudain, j'aperçois les deux têtes blondes que j'attendais faire leur entrée dans la salle. Mes épaules se relâchent presque instantanément et soulagé, je les vois me chercher discrètement du regard. Lorsqu'elle me voit, Lyra arbore un air satisfait et je ne peux pas m'empêcher de sourire en voyant l'air agacé et frustré de mon petit frère derrière elle.

Vu leurs expressions, ils ont dû tomber sur une femme...

Intrigué, mes yeux passent ensuite sur la jeune humaine rousse qui semble les suivre. Mes sourcils se relèvent légèrement en voyant sa chevelure flamboyante. Une rouquine, tiens donc.

Malgré le fait qu'elle arbore ce même air d'étonnement que je retrouve chez ses congénères, ses cheveux lui confèrent un air unique et attirent l'attention sur elle. Leur couleur vive est saisissante. En revanche, elle est petite. Entre ma petite sœur et mon petit frère, la jeune humaine semble presque minuscule.

Le front plissé par la perplexité, je la contemple avec attention. La bouche ouverte dans ce qui semble être une expression d'émerveillement, je vois ses yeux voyager partout. Elle parait aussi subjuguée par la Faerie que tous les autres avant elle.

Rien d'exceptionnel donc.

Soudain, je la vois tourner la tête vers ma sœur, une question au bout des lèvres. Lyra, en bonne hôtesse, détourne alors sagement son regard vers la rouquine et y répond avec enthousiasme. Quelques minutes plus tard, les deux jeunes femmes discutent toujours ensemble et se dirigent vers une table où s'asseoir.

Je suppose que ma sœur est en train d'informer l'humaine du discours que va faire notre roi et notre reine... Je souffle, agacé, en repensant à ce qui nous attends pour les prochains jours. Vivement que cette semaine se termine vite.

Ennuyé, je reporte mon attention sur mon jeune frère. Winter est justement en train de venir vers moi.

— C'est injuste, marmonne-t-il avec une moue agacée alors qu'il s'installe à ma droite.

Je ne retiens pas mon rictus et retourne mon regard vers l'assemblée.

— Hm... Que veux-tu ? Ta sœur a toujours eu plus de chance que toi.

Je n'ai pas besoin de me tourner vers lui pour sentir son regard mauvais sur moi.

— Tu auras ta chance une autre fois.

— Tu y crois vraiment ? demande mon frère, une lueur d'espoir dans la voix.

Mon rictus s'élargit.

— Non.

Il est tellement naïf, parfois. Ça me rappelle que malgré son apparence presque adulte, il reste encore fort jeune. Dix-huit ans... C'est un bébé.

— Je te déteste.

Je ricane en l'entendant. Mon expression retrouve, toutefois, un air indifférent lorsque je m'aperçois que la jeune rouquine est en train de me fixer avec curiosité.

— Des problèmes sur le chemin ? interrogé-je mon frère plus sérieusement sans quitter la jeune femme des yeux.

Adoptant la même attitude qu'avec les autres de son espèce, je me décide à lui offrir un sourire séducteur. Elle ne me le rend pas et fronce aussitôt les sourcils. Etrange.

— Pas vraiment, mais elle pose beaucoup de questions, explique Winter pensivement.

Distraitement, je penche la tête sur le côté et continue de scruter l'humaine.

— Elle s'interrogeait sur le secret des portails, alors Lyra et moi avons dû improviser.

— Qu'avez-vous dit ?

— Suivant ton conseil, nous avons entremêlé vérités et mensonges. En résumé, nous lui avons confié que la Faerie était bien vivante, tout en discutant de son rôle consistant à entraver toute révélation sur la localisation des passages.

— Vous avez bien fait, le félicité-je en tournant ma tête vers lui.

Winter rayonne aussitôt de fierté. Ce gamin ne sait pas cacher ses émotions... Lui et sa sœur jumelle se ressemblent beaucoup pour ça, mais ils apprendront avec le temps.

Secouant la tête avec amusement, je redirige mon attention vers les deux trônes qui siègent au fond de la salle. Le roi et la reine sont arrivés.


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