Adorare

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Kim Seokjin, dit Seokjin le Magnifique par le peuple de Haeju, est l'un des fils des conseillers du roi. Son surnom, original, vient du fait qu'il est l'un des personnages les plus remarquables de son époque. Au-delà de ses talents de diplomate et d'homme politique, il côtoie un groupe de brillants érudits, d'artistes et de poètes et est également excellent dans des disciplines aussi variées que la chasse, la poésie et le maniement des armes. Par cet éventail de talents, il constitue ainsi l'une des plus belles incarnations de l'idéal de l'Homme du Royaume....

Mais Taehyung ne l'avait jamais rencontré.

Il avait désormais dix-huit ans. Cela faisait deux ans qu'il avait intégré l'école d'Art, mais il n'avait jamais rencontré une seule fois son mécène. Tout ce qu'il savait de lui, c'est ce que tout le monde connaissait déjà. Sa réputation n'était plus à refaire.

Il écrivait souvent à Namjoon. Son maître tant adoré était très fier de lui, malgré la déception du plus jeune de ne pas avoir rencontré son mécène, mais aussi de ne pas s'épanouir pleinement dans le but qu'il s'était donné. À l'école, les différents maîtres qui lui donnaient des cours avaient très vite déchanté en voyant la nudité que peignait le jeune artiste.

C'était proscrit. Indécent. Ridicule.

Namjoon l'avait prévenu, des années auparavant, et Taehyung pouvait encore très distinctement entendre le ton de sa voix résignée. Néanmoins, le maître de Hamheung lui avait dit de ne pas baisser les bras, de croire en son mécène. Mais Taehyung ne l'avait encore jamais vu ? Combien de temps allait-il encore attendre ?

Il écrivait à son père, omettant consciencieusement le fait qu'il se voyait la plupart du temps obligé de créer des scènes de la religion. Il ne voulait pas le décevoir alors il lui faisait miroiter une vie de rêve dans ses lettres. Il s'en voulait de lui mentir, mais si auparavant il avait eu du mal à assumer le fait qu'il aimait les hommes, désormais il avait honte de l'artiste qu'il devenait peu à peu.

Néanmoins Taehyung avait au plus profond de lui-même cette incapacité de donner autre chose que la perfection. Il lui fallait créer au-delà de ses possibilités, parce que rien de ce qui n'était pas nouveau, frais, différent, capable d'agrandir l'art de façon tangible ne le contenait.

Alors même si les sujets le laissaient de marbre, il donnait toujours tous ses moyens.

Le seul éclat lumineux qui était apparu sur sa vie était la mort du Roi Yônsan. Le tyran étant hors d'état de nuire, les différentes religions pouvaient désormais coexister en harmonie les unes entre les autres. Mais la pauvreté restait la même, la tristesse aussi.

Taehyung ne s'était pas vraiment fait d'amis dans cette école. Depuis que l'un des maîtres l'avait sermonné sur l'une de ses peintures, lors de sa première année, le jeune artiste se faisait dévisager par ses camarades. Ils avaient cette habitude de le fixer, avec les lèvres pincées et leurs airs supérieurs. Il passait outre. La jalousie, l'envie, le désir de détruire l'autre...Taehyung avait déjà connu ça dans l'atelier de Namjoon.

L'avidité était partout la même. Taehyung comptait les véritables artistes sur les doigts de la main. Non pas que les autres n'étaient pas talentueux, mais ceux dont parlait Taehyung étaient comme lui : ils désiraient seulement créer. Ils ne pensaient pas à l'or, ils pensaient à l'après. À ce qu'ils laisseraient en ce monde une fois leur dernier souffle expiré.

Ainsi, Taehyung avait remarqué Min Yoongi. Un élève un peu plus âgé que lui et qui ne parlait pas beaucoup. Tout le temps il était solitaire, tout le temps il rêvassait. Mais, lorsqu'il créait, c'était merveilleux. Si Taehyung aimait les nus, son camarade aimait mettre Dieu en lumière. Il le faisait merveilleusement bien. Le jeune artiste se souvenait encore très bien de ce tableau représentant le jugement du Roi Salomon, l'un des récits bibliques.

𝐿'𝒜𝓇𝓉𝓂𝑜𝓊𝓇𝑒𝓊𝓍Où les histoires vivent. Découvrez maintenant