PROLOGUE

171 9 1
                                    

                     28 décembre 2011, 19h46. Salt Lake, Utah. Maison des Walker.

Les battements de son cœur et son souffle saccadé venaient perturber le faible son des gouttes d'eau tombants sur le ciment... Il pleuvait dehors, et dedans aussi à vrai dire, car la toiture du vieux garage aurait bien eu besoin de quelques réparations... Pourtant ces deniers jours, elle était restée là pendant des heures, seule, assise sur le capot de cette vieille Dodge Charger de l'année soixante-neuf qui pourrissait dans le noir... Même l'électricité ne marchait plus depuis que les flammes avaient tout terrassé. A vrai dire, seule une partie de la maison était restée intacte: quelques pièces seulement dans lesquelles il faisait désormais chaud et humide et où l'adolescente refusait catégoriquement de remettre les pieds.

Elle était immobile, comme pétrifiée. La capuche de son sweat-shirt bien trop grand pour elle ramené sur sa tête la protégeait des quelques gouttes d'eau bien que ses longs cheveux blonds étaient déjà tout trempés... Une fine vapeur s'échappait également d'entre ses lèvres à chaque fois qu'elle entrouvrait celle-ci. Elle avait le regard lointain, plongé dans le vide, tandis que ses bras entouraient ses fines jambes croisées en tailleur. Voilà déjà trois jours qu'elle n'avait plus bougé, trois jours qu'elle n'avait plus mangé et même plus adressé un seul mot à qui que se soit ! Elle s'était réfugiée là après l'incendie, dans le garage, planquée entre la Dodge et les vieilles caisses à outils de son père pour que personne ne puisse la retrouver... Elle avait entendu passer les pompiers, les ambulances, les gendarmes, tous venant interroger sa sœur et même le voisinage au sujet de ce qu'il s'était passé la nuit précédente. Elle c'était contenter de les regarder par l'embrasure de la porte mais sans jamais se montrer, préférant se faire portée disparue plutôt qu'autre chose... Parce qu'après tout, qu'auraient-ils fait d'elle s'ils avaient su qu'elle se trouvait là ? Ils l'auraient amené en prison peut-être ? Après tout elle était en partie coupable elle aussi... Ou pire encore, dans un hôpital psychiatrique ? Peut-être bien qu'elle était devenue folle qui sait ? C'est vrai, c'était dingue ce qu'elle avait vu... ou cru voir peut-être ? Digne des paroles d'une malade mental ! Elle avait vu cet homme qu'elle avait jusque là cru si bien connaître, Nicholas, le tout premier amour de sa courte existence, droit debout au beau milieu des flammes ! Il était resté là sans même que sa peau ne rougisse, sans même une once de peur ou de douleur sur son visage devenu ferme et impassible... Et puis, elle avait vu ses yeux surtout... Ses yeux qui avaient soudainement pris cette couleur noire ébène... Non elle n'avait pas rêvé, elle l'avait bel et bien vu ! Elle n'était pas complètement atteinte, pas encore du moins... Elle n'était pas dingue et c'était justement pour cette raison qu'elle savait très bien ce qu'elle avait fait : Elle les avait tous tué ! Elle avait laissé crever sa famille devant ses yeux sans réagir une seule seconde ! Comment avait-elle pu commettre une telle monstruosité ?!

La jeune fille sentit son cœur se serrer au fin fond de sa poitrine suite à cette pensée et ses poings se fermèrent jusqu'à ce que ses ongles transpercent sa propre chaire tandis qu'une larme coulait sur sa joue, la dernière. La dernière larme qu'elle s'autoriserait avant de longues années... Elle était coupable, coupable d'avoir aiméce meurtrier, coupable de l'avoir laissé entrer dans sa vie et dans celle de toute sa famille, coupable de l'avoir fait entrer ce soir là dans la demeure malgré les interdictions de sa mère, coupable de n'avoir pas su quoi faire lorsqu'il avait, d'un simple geste de la main, déclenché l'incendie ravageur. Coupable aussi d'avoir regardé sa mère Elena puis Mike son père, agoniser dans la chaleur du brasier en lui criant de s'enfuir au plus vite ! Elle avait tué sa famille, elle avait tué les seules personnes qui comptaient réellement pour elle en laissant agir cet homme. Depuis, elle ne parvenait plus à effacer de son esprit l'image de la poutre retenant le toit de la maison qui s'effondrait sur le dos de sa mère. Celle-ci tombant au sol, hurlant de douleur lorsque les flammes s'emparaient de son corps ! Son père quant à lui sortait de la chambre à ce même moment, le plus rapidement possible, pour finalement se retrouver à son tour encerclé par le feu... Sa sœur jumelle était en larme et tentait d'ouvrir la fenêtre pour s'échapper, prête à sauter du deuxième étage pour ne plus avoir à supporter l'odeur de la chaire humaine en train de brûler, la vision des siens qui se consumaient au sol tout en perdant connaissance, les yeux encore ouverts et emplis d'effroi tandis que déjà leur sang se rependait sur le sol... Elle avait tout vu ! Elle avait tout entendu, tout ressentit ! Mais elle n'avait pas bougé, pas fait le moindre mouvement. Elle était restée là, terrorisée, tétanisée et incapable même d'essayer de se sauver elle-même... Alors désormais, une question ne cessait de se répéter en boucle dans son esprit : Pourquoi est-ce qu'elle, elle avait survécu ? Pourquoi était-elle encore en vie alors que les autres avaient péris ? C'était la dernière larme donc, la dernière avant de nombreuses années...

Still On The RoadDonde viven las historias. Descúbrelo ahora